Tribunal pour enfants, 1937

Source : Geza Vandor, Musée national de l’Éducation

Dès son arrivée à Fresnes, le mineur en attente de comparution devant le tribunal pour enfant se voit évalué selon trois modes : psychologique, social et médical. Le temps que le mineur reste en détention préventive est ainsi essentiellement employé pour constituer son dossier qui sera remis ultérieurement au juge des enfants. Cet examen est effectué par le personnel pénitentiaire de l’établissement (instituteur et médecin), par le service social et par des médecins psychiatres.

Entretien d’arrivée du pupille Raymond C., 1935

Source : Archives départementales du Val de Marne, 2Y5 694

« L’instituteur ou l’institutrice est du reste chargé de provoquer les confidences. » Ainsi, dès le premier jour de son arrivée à Fresnes, le pupille est interrogé par l’instituteur et ces premiers renseignements sont inscrits sur un registre spécial.

Entretien d’arrivée du pupille Raymond C., 1935

Source : Archives départementales du Val de Marne, 2Y5 694

L’instituteur poursuit ses visites tous les jours et complète ce document au fur et à mesure en y portant des indications recueillies sur sa santé, sa conduite, ses visites, etc. À terme, il constituera un résumé complet de son observation.

Cahier du pupille Raymond C., 1935

Source : Archives départementales du Val de Marne, 2Y5 694

Après ce premier interrogatoire, l’instituteur remet au mineur un cahier le « priant de faire le récit de sa vie, de fouiller dans ses souvenirs d’enfance, de confesser ses fautes, et d’exposer ses espoirs dans l’avenir ». (Seine, Prisons de Fresnes, rapport au ministre de la Justice, Inspection générale des services administratifs, 12 décembre 1936, Archives nationales F1a 4577).

Cahier du pupille Raymond C., 1935

Source : Archives départementales du Val de Marne, 2Y5 694

Le pupille dispose de 24 heures pour écrire son récit.

Cahier du pupille Raymond C., 1935

Source : Archives départementales du Val de Marne, 2Y5 694

Puis lorsqu’il remet son cahier à l’instituteur, celui-ci y souligne les passages qu’il estime intéressants (en bleu sur le document), et il note, à la suite, son appréciation personnelle sur l’attitude et le caractère du pupille.

Cahier du pupille Raymond C., 1935

Source : Archives départementales du Val de Marne, 2Y5 694

L’instituteur continue de noter chaque jour les observations qu’il fait sur le pupille au point de vue physique et mental, après sa visite quotidienne. Sont également reportés sur ce dossier « divers renseignements fournis par les maîtres et les moniteurs, par les lettres écrites ou reçues, les préférences manifestées par les lectures (livres de la bibliothèque ou abonnement pris, après autorisation du directeur, à certains journaux sportifs ou amusants), l’assiduité au travail ou la paresse, l’attention apportée aux conférences, les tendances reconnues durant les exercices physiques et les jeux » (Seine, Prisons de Fresnes, rapport au ministre de la Justice, Inspection générale des services administratifs, 12 décembre 1936, Archives nationales F1a 4577).

L’équipe médicale, 1930

Source : Henri Manuel, École nationale d’administration pénitentiaire

Le lendemain de son arrivée, le mineur est visité par un médecin de l’établissement qui l’interroge sur la santé de ses parents, ses antécédents, etc. et il est soumis à un régime spécial si nécessaire.

Prise de sang, 1930

Source : Henri Manuel, École nationale d’administration pénitentiaire

Tous les mercredis, les pupilles arrivés la semaine précédente font l’objet d’une consultation antivénérienne. Une prise de sang est effectuée afin de dépister les tuberculeux et les syphilitiques. Puis une nouvelle prise de sang est effectuée quatre semaines plus tard.

Carnet médical du pupille Auguste M., 1934

Source : 2Y5 670, Archives départementales du Val de Marne

Enfin, un carnet médical est établi dans lequel figure les résultats de la sérologie du pupille. Ce carnet est établi en vertu de la circulaire du 28 janvier 1931 qui prescrit que « Pour tout mineur atteint de la syphilis, de blennorragie ou de tuberculose, il sera établi préalablement à son envoi dans une institution corrective un livret médical. Le dit livret sera adressé en temps opportun au médecin de l’établissement d’affectation. » Tout mineur atteint de syphilis se voit en outre établir « une carte de contrôle et de traitement » du même modèle que celle employée normalement dans les dispensaires. Cette carte est destinée à permettre au mineur de pouvoir poursuivre son traitement à sa libération, sans qu’il soit possible de pouvoir déterminer le lieu où il l’a entamé.

Enquête sociale du pupille Jacques D., 1934

Source : 2Y5 694, Archives départementales du Val de Marne

Les mineurs placés sous mandat de dépôt font l’objet d’une enquête sociale effectuée par les déléguées de trois associations reconnues d’utilité publique : l’Aide morale à la jeunesse traduite en justice ; la Sauvegarde de l’adolescence ; et les Marraines sociales.

Enquête sociale du pupille Jacques D., 1934

Source : 2Y5 694, Archives départementales du Val de Marne

Cette enquête porte sur : « la famille, l’hérédité, la situation matérielle, la santé, la moralité, l’instruction et le caractère de l’enfant » et s’achève par une proposition de l’enquêteuse sociale.

Enquête sociale du pupille Jacques D., 1934

Source : 2Y5 694, Archives départementales du Val de Marne

Elles ne sont transmises au personnel de Fresnes qu’un mois environ après l’entrée du pupille en détention.

Enquête sociale du pupille Jacques D., 1934

Source : 2Y5 694, Archives départementales du Val de Marne

Dès réception de ces pièces, les pupilles sont soumis à un examen médico-psychologique assuré quotidiennement par une équipe de psychiatres. Avant cet examen, ils se voient communiquer le cahier rédigé par l’enfant (et sur lequel l’instituteur a porté chaque jour ses observations), le carnet médical et l’enquête sociale.

Examen médico-psychologique du pupille Georges L., 1935

Source : 2Y5 670, Archives départementales du Val de Marne

Le résultat de l’examen psychiatrique est consigné sur un feuillet qui porte les mentions : renseignements généraux, état biologique, état psycho-moral et propositions. Outre ce service psychiatrique, un psychiatre est affecté à partir de 1936 à titre permanent à Fresnes. Il s’y rend tous les lundis et aussi souvent que son service l’exige. Il examine les pupilles de deux points de vue : au point de vue rigoureusement médical, c’est-à-dire le dépistage et les observations des « anormaux » ; et au point de vue « pénitentiaire », c’est-à-dire qu’il effectue le triage et la répartition des pupilles vers divers établissements. Les enfants « anormaux » prévenus lui sont signalés par le personnel de l’établissement et par les médecins experts qui peuvent désirer disposer du résultat d’une observation avant de rédiger leur expertise ou par un des médecins psychiatres chargé de l’examen médico-psychologique qui juge nécessaire la réalisation d’une étude plus approfondie.

Assignation à prévenu du pupille Jacques P., 1947

Source : 511W 378, Archives départementales du Val de Marne

Ce psychiatre donne son avis sur les dispositions particulières des enfants qui, après décision judiciaire, doivent être répartis dans divers établissements. Des exemplaires du rapport médico psychologique et de l’enquête sociale sont aussitôt transmis au juge d’instruction et au président du tribunal pour enfants.

Notice du pupille Gabriel C., 1936

Source : 2Y5 670, Archives départementales du Val de Marne

Enfin, quand la date de comparution du mineur devant le tribunal pour enfant est fixée, il est transmis au président une notice indiquant le degré d’amendement du pupille et ses chances de relèvement.

Télégramme du directeur de la prison de Fresnes, 1936

Source : 2Y5 670, Archives départementales du Val de Marne

Le juge pour enfant peut décider que le pupille sera remis à sa famille. Dans ce cas, un de ses parents doit venir le chercher à Fresnes.

Lettre du pupille Constantin D., 1936

Source : 2Y5 670, Archives départementales du Val de Marne

L’objectif est de permettre au directeur de s’entretenir avec le parent et de lui donner des conseils suite aux observations faites sur le pupille durant son séjour dans l’établissement.

La Souricière du Palais de justice de Paris, 1890

Source : Louis Montegut, École nationale d’administration pénitentiaire

Le juge peut également décider de confier le pupille à une société de patronage. Tous les jeudis, les enfants remis à des patronages parisiens sont conduits à la Souricière du Palais de justice de Paris où un délégué vient les chercher. Si le pupille est confié à un patronage de province, le délégué vient le chercher à Fresnes. Les patronages reçoivent un double de l’enquête sociale et de l’examen psychologique du mineur.

Pupille dans une cellule de la maison d’éducation surveillée d’Aniane, 1930

Source : Henri Manuel, École nationale d’administration pénitentiaire

Le juge peut enfin décider de le confier jusqu’à sa majorité à une maison d’éducation surveillée ou à une école de préservation. En attendant son transfert, le dossier du pupille est alors constitué et l’administration pénitentiaire recherche l’établissement qui lui conviendra le mieux en raison de son âge, de sa santé et de ses dispositions. Le directeur de l’établissement choisi reçoit ensuite le dossier du pupille, comprenant : le cahier contenant le récit de sa vie et les observations journalières de l’instituteur, le livret médical et le double de l’enquête sociale. Mais le cahier doit être ensuite renvoyé à Fresnes pour être classé dans le dossier du pupille.

Pupilles cassant des cailloux à la maison d’éducation surveillée de Saint-Hilaire, 1930

Source : Henri Manuel, École nationale d’administration pénitentiaire

Dès l’arrivée d’un pupille dans une maison d’éducation surveillée, le directeur peut donc prendre connaissance de son dossier et connaître ses antécédents et l’impression qu’il a produite sur le personnel chargé de l’évaluer à Fresnes.