Expositions / Fichés ? Photographie et identification du Second Empire aux années 60 /

Les conséquences de la Grande guerre et de la révolution d'Octobre

Archives nationales

Les conséquences de la Grande Guerre et de la révolution d'Octobre

Signalement et recherche d’individus impliqués dans une agence de désertion. Affaire Goirand-Magnino, Valenciennes, 1911

Paris, Archives nationales, F7 13324

La Grande Guerre marque un tournant majeur dans l’application de la photographie aux procédés d’identification, étendue à des catégories de plus en plus nombreuses de la population. Laissez-passer et permis en tous genres octroyés aux soldats génèrent une production de portraits d’une ampleur sans précédent alors que les images « volées » de déserteurs, d’espions et de traîtres font l’objet d’une quête systématique. Plus généralement, les mesures à l’encontre des étrangers se font plus sévères avec l’obligation d’apposer un portrait sur les titres de séjour en 1915 et d’être titulaire d’une carte d’identité d’étranger avec photographie en 1917. Les étrangers originaires des pays ennemis deviennent des suspects « au plan national », ce qui entraîne leur internement administratif dans des dépôts ou camps d’internés, parfois appelés camps de concentration. À l’issue du conflit, la surveillance des Allemands va se poursuivre sans être toutefois aussi systématique que celle qui s’exerce désormais sur les « bolchevistes ». Tout individu venu de Russie est étroitement surveillé : les demandes de visa servent à alimenter les innombrables dossiers nominatifs gérés par les organes centraux comme les ministères de l’Intérieur et de la Guerre, par la préfecture de police, par les commissariats des grandes villes.




Signalement et recherche d’individus impliqués dans une agence de désertion. Affaire Goirand-Magnino, Valenciennes, 1911

Paris, Archives nationales, F7 13324

À mesure que les menaces de conflit se précisent, la traque des soldats insoumis et des déserteurs s’intensifie. Pour identifier des individus très mobiles, souvent issus des milieux anarchistes, syndicalistes révolutionnaires et pacifistes, la police a recours à des photographies de groupes récupérées chez des proches et aussitôt « renseignées ».

Signalement et recherche d’individus impliqués dans une agence de désertion. Affaire Goirand-Magnino, Valenciennes, 1911

Paris, Archives nationales, F7 13324

Dossiers d’internés étrangers en Vendée pendant la guerre. Fiches signalétiques, fiches de renseignements, permis de séjour et photographies associées à des documents, 1915, 1918

La Roche-sur-Yon, archives départementale de la Vendée, 4 M 297-299, 4 M 301-302, 4 M 308, 4 M 317

C’est au cours de la Grande Guerre que l’usage de la photographie progresse de façon spectaculaire dans la gestion, civile ou militaire, centrale ou régionale, de groupes humains de plus en plus nombreux. Toutefois, en dépit de règles normalisatrices préconisées par les autorités, le format et la typologie des portraits demeurent extrêmement variables dans les documents administratifs. Le cadre réservé au portrait d'identité n'est ainsi qu'exceptionnellement prévu dans les formulaires ou les feuilles signalétiques pré-imprimés.


La carte d'identité des étrangers

Exemples de cartes d’identité d’étrangers, années 1920. Sauf-conduits, cartes de travailleurs agricoles, industriels, etc.

Fontainebleau, Archives nationales, 19940505/600.

À partir de 1888, les étrangers ont dû se déclarer dans leur commune de résidence. Avec la guerre, leur surveillance s’est intensifiée et le décret du 2 avril 1917 instaure pour eux une carte d’identité obligatoire. Tout étranger résidant en France plus de quinze jours doit désormais demander cette carte aux mairies ou aux préfectures en remplissant un questionnaire en plusieurs exemplaires et en fournissant trois photographies « de face et sans chapeau ». L’un des exemplaires du questionnaire alimente le fichier local des étrangers ; l’autre est envoyé au ministère de l’Intérieur où le nouveau Service central de la carte d’identité des étrangers centralise toutes les demandes et fait, dans certains cas, procéder à des enquêtes. Le dispositif va se durcir dans les années 1930, notamment avec les décrets-lois de 1938.

Projet de loi relatif aux étrangers en France, avant propos, 1914

Paris, Archives nationales, F7 13376

Après l’éclatement de la guerre, un décret du 2 août 1914 impose aux étrangers le port d’un permis de séjour. « Bercés dans nos sentimentales utopies, nos législateurs, loin d’opposer une barrière plus infranchissable au flot sans cesse grandissant de la tourbe internationale semblent au contrarie lui avoir bénévolement ménagé toutes les fissures propres à lui permettre d’échapper à l’indispensable contrôle de ses faits et gestes. »

Projet de loi relatif aux étrangers en France, avant propos, 1914

Paris, Archives nationales, F7 13376

Permis de séjour de Trotsky, 1914

Paris, archives de la préfecture de Police, BA 1626 « Trotzky »

Déclaration de résidence de Sebastian Aniorte dans la ville de Saint-Etienne, 1923

Saint-Etienne, archives départementales de la Loire, 4 M 1054

Exigée des étrangers depuis 1888, la déclaration de résidence n’est pas pourvue de photographie. Le formulaire présenté ici, rempli une première fois en 1923 a été réutilisé jusqu’en 1942 pour le contrôle des renouvellements de la carte d’identité d’étranger. Les photographies ont vraisemblablement été apposées à la fin des années 1930 quand le portrait de profil devient obligatoire.

Déclaration de résidence de Sebastian Aniorte dans la ville de Saint-Etienne, 1923

Saint-Etienne, archives départementales de la Loire, 4 M 1054

Exemples de cartes d’identité d’étrangers, années 1920. Sauf-conduits, cartes de travailleurs agricoles, industriels, etc.

Fontainebleau, Archives nationales, 19940505/600.

Les autorités chargées de délivrer la carte devront « s’être assurées au moyen de la photographie de l’identité du titulaire, et la lui avoir fait signer ». Elle doit être oblitérée par le timbre de la préfecture à deux coins, avec la date à l’encre rouge. L’étranger signe sa carte en présence de l’autorité. « Les cartes délivrées aux étrangers de « nationalité ennemie » porteront sur la couverture deux traits rouges parallèles. « L’apposition de ces signes devra être faite avec un grand soin ». Il est enfin précisé que la carte d’identité est désormais « la seule pièce qui constate le droit du titulaire de résider sur le territoire national dans la zone de l’intérieur ».

Exemples de cartes d’identité d’étrangers, années 1920. Sauf-conduits, cartes de travailleurs agricoles, industriels, etc.

Fontainebleau, Archives nationales, 19940505/600.

Exemples de cartes d’identité d’étrangers, années 1920. Sauf-conduits, cartes de travailleurs agricoles, industriels, etc.

Fontainebleau, Archives nationales, 19940505/600

Exemples de cartes d’identité d’étrangers, années 1920. Sauf-conduits, cartes de travailleurs agricoles, industriels, etc.

Paris, archives de la préfecture de Police, archives Picasso, GA/P8

La mise en fiche des espions et des suspects

Fiches de la préfecture de police sur Marguerite-Gertrude Zelle, alias Mata Hari, et Ottilie Voss, espionnes au service de l’Allemagne

Paris, archives de la préfecture de police, boîte photographique Espionnage, 1914-1918

Les organes de renseignement, policiers ou militaires, ont souvent une double mission de renseignement et de contre-espionnage. Depuis la fin du xixe siècle, ces services établissent des listes d’individus en fonction des menaces qu’ils sont censés représenter pour la sûreté de l’État. Pendant la Grande Guerre, les ressortissants des puissances ennemies sont particulièrement suspectés. Après l’armistice, ce sont les représentants du bolchevisme, les personnages publics des régions d’Allemagne occupées par la France ou les nationalistes de l’empire colonial qui retiennent l’attention. Entre travail de bureau et travail de terrain, la mise en fiche des suspects est une activité empirique, incertaine et faillible. Pour d’authentiques espions arrêtés, ayant fait des aveux et condamnés, combien d’individus suspectés à tort ?


Dossier nominatif du 4e bureau de la Sûreté générale et des Renseignements généraux : Clara Zetkin

Paris, Archives nationales, F715933, 15943, 16028

La couverture de ces dossiers établis sur des personnalités évoque l’apparition, au ministère de l’Intérieur, de l’entité des « Renseignements généraux » qui prend, à l’issue de la réforme de 1907, le relais du 4e bureau. Cette dénomination anodine révèle le souci républicain de ménager les esprits en évitant toute référence à une « police politique », incompatible avec le respect des libertés publiques. La photographie des personnalités surveillées alimente régulièrement les dossiers établis au cours de l’entre-deux-guerres ; son usage sera systématisé après la Deuxième Guerre mondiale.

Dossier nominatif du 4e bureau de la Sûreté générale et des Renseignements généraux : Clara Zetkin

Paris, Archives nationales, F715933, 15943, 16028

Photographies d’espions et de traîtres pendant la Première Guerre mondiale, 1916 – 1918

Collection Jean Mairet

Mme Ducimetière, 1916, espionne condamnée à mort, graciée / M. Sedano, 1916, espion / M. Bulmé, 1916, traître, fusillé / M. Bulmé, 1916, traître, frère du précédent / M. Desouches, 1917 / M. Sydney, 1916, espion, pharmacie centrale / M. Bolot, 1917 / M. Lübermann, 1916, espion / Mme Zelle, 1917 (Mata Hari).Réalisées vraisemblablement par la préfecture de police en vue de leur diffusion auprès des journaux, ces photographies montrent les individus debout, la main posée sur une chaise (toujours la même) qui sert de toise pour l’évaluation de la taille et de la corpulence.

Photographies d’espions et de traîtres pendant la Première Guerre mondiale, 1916 – 1918

Collection Jean Mairet

Photographies d’espions et de traîtres pendant la Première Guerre mondiale, 1916 – 1918

Collection Jean Mairet

Photographies d’espions et de traîtres pendant la Première Guerre mondiale, 1916 – 1918

Collection Jean Mairet

Photographies d’espions et de traîtres pendant la Première Guerre mondiale, 1916 – 1918

Collection Jean Mairet

Photographies d’espions et de traîtres pendant la Première Guerre mondiale, 1916 – 1918

Collection Jean Mairet

Photographies d’espions et de traîtres pendant la Première Guerre mondiale, 1916 – 1918

Collection Jean Mairet

Photographies d’espions et de traîtres pendant la Première Guerre mondiale, 1916 – 1918

Collection Jean Mairet

Photographies d’espions et de traîtres pendant la Première Guerre mondiale, 1916 – 1918

Collection Jean Mairet

Répertoire alphabétique de Russes (période de l’émigration), deux listes d’agents bolcheviques datées de janvier 1919 et fiches avec photographies, 1918-1920

Paris, Archives nationales, F7 13506

La Révolution d’Octobre et les menaces de contagion révolutionnaire provoquent l’élaboration de quantités de listes et de fiches. Comme on le voit à travers cet ensemble dont on ignore la provenance mais qui a servi d’outil de travail à la Sûreté générale du ministère de l’Intérieur, les méthodes élaborées sont encore maladroites : on dresse des listes alphabétiques de militants bolcheviques repérés en Suisse, ou des répertoires de noms, qui renvoient à des portraits collectés de façon parfaitement empirique.

Répertoire alphabétique de Russes (période de l’émigration), deux listes d’agents bolcheviques datées de janvier 1919 et fiches avec photographies, 1918-1920

Paris, Archives nationales, F7 13506

Fichier des services français de la haute commission interalliée des territoires rhénans, 1919-1930

Paris, Archives nationales, AJ9 5679 à 5683

Dans cette partie de l’Allemagne occupée par les Français de 1919 à 1930, des milliers d’individus ont été fichés, des futures personnalités du IIIe Reich aux agitateurs séparatistes en passant par les prostituées suspectes d’espionnages, les généraux, les hauts fonctionnaires, les prélats, les industriels les déserteurs français, etc. Cet ensemble illustre parfaitement les méthodes de travail d’un service de renseignement qui fiche « tous azimut » les personnalités susceptibles de jouer un rôle et d’influer sur le cours des relations franco-allemandes, le critère d’appréciation majeur étant le degré de francophilie ou de francophobie. L’usage de la photographie est lui aussi révélateur. Si toutes les fiches ne sont pas pourvues d’un portrait de la personne surveillée (environ 280 fiches avec photographies), celles qui le sont montrent la variété de l’iconographie alors disponible et utilisée : portraits découpés dans la presse, contretypes de photographies d’identité, de photographies anthropométriques ou de portraits d’ateliers, portraits de groupes découpés pour isoler l’individu fiché, etc.

Fichier des services français de la haute commission interalliée des territoires rhénans, 1919-1930

Paris, Archives nationales, AJ9 5679 à 5683

Fichier des services français de la haute commission interalliée des territoires rhénans, 1919-1930

Paris, Archives nationales, AJ9 5679 à 5683

Fichier des services français de la haute commission interalliée des territoires rhénans, 1919-1930

Paris, Archives nationales, AJ9 5679 à 5683

Fichier des services français de la haute commission interalliée des territoires rhénans, 1919-1930

Paris, Archives nationales, AJ9 5679 à 5683

Fichier des services français de la haute commission interalliée des territoires rhénans, 1919-1930

Paris, Archives nationales, AJ9 5679 à 5683

Fichier des services français de la haute commission interalliée des territoires rhénans, 1919-1930

Paris, Archives nationales, AJ9 5679 à 5683

Fichier des services français de la haute commission interalliée des territoires rhénans, 1919-1930

Paris, Archives nationales, AJ9 5679 à 5683

Fichier des services français de la haute commission interalliée des territoires rhénans, 1919-1930

Paris, Archives nationales, AJ9 5679 à 5683

Liste noire du parti communiste allemand, transmise par le 2e bureau de l’armée à la Sûreté générale, 18 septembre 1929

Paris, Archives nationales, F7 13427

Ces étonnantes planches, élaborées par l’état-major de l’armée française à partir de listes établies par le Parti communiste allemand, montrent comment les fichiers récupérés auprès des « ennemis » sont réutilisés par l’institution militaire ou le ministère de l’Intérieur. On notera la curieuse nomenclature utilisée par les Communistes pour classer les individus (les termes sont traduits de l’allemand) : marchands, provocateurs, traîtres, individus nuisibles, etc.

Liste noire du parti communiste allemand, transmise par le 2e bureau de l’armée à la Sûreté générale, 18 septembre 1929

Paris, Archives nationales, F7 13427

Photographies du bal de la fête du Têt (Bordeaux, 1928) et documents de la Sûreté générale française en Indochine

Aix-en-Provence, Archives nationales d’outre-mer, SLOTFOM III 25

Les nationalistes de l’empire colonial constituent une autre catégorie d’individus étroitement surveillés. Aussi les services français cherchent-ils, par tous les moyens, à mettre la main sur les photographies permettant d’identifier visuellement ceux qu’ils surveillent. En témoignent ces photographies interceptées par la Sûreté générale française en Indochine dans la correspondance entre un étudiant indochinois de Bordeaux et sa famille en 1928.

Photographies du bal de la fête du Têt (Bordeaux, 1928) et documents de la Sûreté générale française en Indochine

Aix-en-Provence, Archives nationales d’outre-mer, SLOTFOM III 25

La ré-obligation du passeport

Registre des passeports de Buenos Aires, 1924

Nantes, Centre des Archives diplomatiques, Buenos Aires, consulat et consulat général, n° 100

Au cours de la seconde moitié du xixe siècle, le régime des passeports, que la Révolution française avait codifié pour les déplacements « à l’intérieur » et « à l’étranger », s’assouplit. Au nom de la liberté des échanges, le Second Empire les supprime. La Grande Guerre provoque un revirement complet et définitif : les Français doivent se munir d’un passeport pour sortir du territoire national et les étrangers doivent être en possession d’un passeport visé par les autorités françaises pour entrer ou sortir de France et des territoires relevant de sa souveraineté. Après la guerre, la réglementation est adoucie pour faciliter la reprise de la vie économique, mais son usage généralisé n’est pas remis en cause. Une nouvelle catégorie de titre apparaît avec le « passeport Nansen », créé en 1922 au profit des habitants de l’ex-empire russe fuyant la révolution bolchevique, qui va accompagner la formation du droit des réfugiés et des apatrides.

Registre des passeports de Buenos Aires, 1924

Nantes, Centre des Archives diplomatiques, Buenos Aires, consulat et consulat général, n° 100

Signe de l’impréparation de certains postes consulaires à faire évoluer leur documents administratifs pour être en conformité avec les instructions, ce registre du consulat de France à Buenos Aires pour lequel aucun cadre n’a été prévu pour la photographie. Les visages des demandeurs de passeports se retrouvent ainsi découpés et collés à l’horizontale pour tenir sur une seule ligne…

Consulat de France à Beyrouth, registre de demandes de passeport, mars-décembre 1929

Nantes, Centre des Archives diplomatiques, HC 27, n° d’enregistrement 133

Puissance mandataire au Liban, la France compte alors à Beyrouth une importante colonie française composée de soldats, de fonctionnaires, de religieux et d’employés dans les sociétés bancaires ou commerciales. Ce registre des passeports de la fin des années vingt témoigne de l’attitude très souple de l’administration qui n’impose pas aux Français le signalement descriptif et tolère des portraits très peu normalisés.

Consulat de France à Shanghai, registre des demandes de passeports, 1918


Nantes, Centre des Archives diplomatiques, Pékin, série D, n° 590

Dans les ambassades et consulats, sont tenus des registres de délivrance et renouvellement de passeports et de visas, sur lesquels on reporte toutes les informations permettant de déterminer les circonstances de la délivrance et l’identité de l’individu, avec une photographie, à côté du signalement, souvent laissé vide. Les archives de la légation de France à Pékin et du consulat général de France à Shanghai, conservées au Centre des archives diplomatiques de Nantes, offrent de nombreux registres de ce type. Au début du XXe siècle, la communauté des ressortissants français en Chine est en effet nombreuse tant en raison des concessions que la France y administre que de la présence de détachements militaires et de nombreuses missions religieuses.

Consulat de France à Vladivostock. Registre d’immatriculation d’Arméniens et de Grecs, 1918-1922

Nantes, Centre des Archives diplomatiques, ambassade de Moscou, série C, caisse 8, Vladivostock, 1911-1922, n° d’enregistrement 67 – 72

Au lendemain de la Première Guerre mondiale, circulation migratoire contrôlée, nouveaux moyens d’identification, imposition et généralisation des passeports internationaux et visas (lors des conférences internationales de 1920 et 1926), modifient radicalement les conditions de la circulation des hommes. Aux consuls français revient la charge de produire des certificats d’immatriculation non seulement à leurs ressortissants mais également, lorsque la situation le permet, à des représentants d’autres nationalités et à des apatrides qui en font la demande. C’est le cas, à Vladivostock, des Arméniens et des Grecs qui, à l’issue de l’effondrement des empires russe et ottoman, trouvent auprès du consulat de France le seul organisme susceptible de leur délivrer des papiers d’identité.

Consulat français de Vladivostock. Registre des passeports : demande de Mme Plakides, de nationalité hellène, 15 février 1918

Nantes, Centre des Archives diplomatiques, ambassade de Moscou, série C, caisse 8, Vladivostock, 1911-1922, passeport, n°145

Ce petit carnet à souche évoque la prise en charge, par les autorités consulaires françaises, des individus qui n’ont plus les moyens d’obtenir des papiers suite aux conflits qui ont déchiré l’Europe. La mention « passeport séparé à la demande du mari » peut être interprétée de diverses manières. Elle révèle néanmoins le choc culturel qu’a pu représenter pour les femmes cette forme très administrative d’émancipation.

Exemples de papiers exigés par les autorités françaises et les offices spécialisés pour l’examen des dossiers de réfugiés arméniens, 1920-1933

Fontenay-sous-Bois, archives de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Les rescapés arméniens du génocide perpétré par le gouvernement ottoman, après les premiers retours de déportation en 1918-1919, fuient à nouveau la Turquie avec la mise en place du régime kémaliste qui refuse de traiter comme ressortissants les Arméniens réfugiés en Europe lors des « événements de 1915 », pendant l’occupation interalliée ou qui n’ont pas pris part au « mouvement national » pendant la guerre d’indépendance. Pour les Arméniens, ces passeports, établis pour la plupart par les autorités françaises, sont souvent le seul papier d’identité reconnu qui va leur permettre de faire instruire leur dossier à leur arrivée en France. C’est la raison pour laquelle on les trouve dans les archives de l’Ofpra.

Exemples de papiers exigés par les autorités françaises et les offices spécialisés pour l’examen des dossiers de réfugiés arméniens, 1920-1933

Fontenay-sous-Bois, archives de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Exemples de papiers exigés par les autorités françaises et les offices spécialisés pour l’examen des dossiers de réfugiés arméniens, 1920-1933

Fontenay-sous-Bois, archives de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra).

Certificat d’identité pour un prêtre russe, 1927

Belfort, archives départementales du territoire de Belfort, 4 M 602

Une convergence entre les organisations communautaires de réfugiés russes puis arméniens, les États de premier asile, les États demandeurs de main d’œuvre et les organisations d’assistance humanitaire, va permettre la mise en place à leur profit d’un « titre d’identité et de voyage ». C’est au sein du haut commissariat de la Société des Nations pour les Réfugiés, dirigé par l’explorateur et philanthrope norvégien Fridtjof Nansen, que va être élaboré ce certificat auxquels les réfugiés bénéficiaires dits « statutaires » (les Russes à partir de 1922, les Arméniens à partir de 1924, les Assyriens et Assyro-Chaldéens et Turcs en 1928) vont avoir accès selon un critère collectif fondé sur la perte de la nationalité ottomane ou russe et non sur le régime de la preuve individualisée de la persécution.