Expositions / Fichés ? Photographie et identification du Second Empire aux années 60 /

Naissance de l'identité judiciaire

Archives nationales

Naissance de l'identité judiciaire

Fiche anthropométrique d’Alphonse Bertillon réalisée en 1893

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Bertillon 1

En 1879, Alphonse Bertillon, simple commis auxiliaire aux écritures à la préfecture de police, met au point un nouveau système de classement des fiches signalétiques des prévenus, fondé sur une série de mesures osseuses. Combinés à l’usage du portrait photographique et à un vocabulaire normalisé pour décrire les individus, l’élaboration et le classement des fiches anthropométriques ont donné naissance au « système Bertillon ». Officiellement adopté par la préfecture de police en 1888, l’anthropométrie est rapidement utilisée par un grand nombre de polices. S’agissant de l’emploi de la photographie, Alphonse Bertillon est conforté par un contexte technique et scientifique favorable : médecins et anthropologues révèlent toutes les possibilités qu’offre la révolution de l’instantané et, notamment, l’invention des plaques au gélatino-bromure d’argent. Les policiers peuvent désormais se passer des services des photographes professionnels.
Dès la fin du XIXe siècle, alors que les empreintes dactylaires apparaissent comme la seule méthode d’identification fiable, des voix se sont élevées pour dénoncer les impasses scientifiques auxquelles avaient mené la recherche obsessionnelle du « criminel-né » tout comme les tentatives de classification des types d’aliénés ou les innombrables catalogues de « types et races ». Il restera toutefois de ce foisonnement tout un ensemble de protocoles normatifs, dont celui de la photographie judiciaire.

Recherches anthropologiques de Léon Cahun en Turquie d’Asie : images de sujets d’études de face et de profil, 1879

Paris, Archives nationales, F17 2944

Le bibliothécaire Léon Cahun (1841-1900) est l’un de ces « érudits de terrain » subventionné par l’Instruction publique. Sa première mission en Syrie en 1878-1879 est consacrée à l’étude de la population des Ansariés. À son retour, des photographies méthodiques accompagnées de mensurations sont remises au musée ethnographique et des clichés déposés chez Davanne, président de la Société française de photographie. Cahun obtient alors une nouvelle mission anthropologique en Asie, depuis la Syrie jusqu’à la frontière turco-persane. Il s’adjoint un dessinateur et est accompagné de sa femme. Mais, pensant avoir fait d’importantes découvertes archéologiques en Syrie, il prend du retard. Confronté à des problèmes financiers, il est obligé de demander son rapatriement. De retour, il s’emploie à fournir au ministère les résultats de ses travaux pour répondre aux critiques dont il fait l’objet dans les milieux scientifiques.

Recherches anthropologiques de Léon Cahun en Turquie d’Asie : images de sujets d’études de face et de profil, 1879

Paris, Archives nationales, F17 2944

Recherches anthropologiques de Léon Cahun en Turquie d’Asie : images de sujets d’études de face et de profil, 1879

Paris, Archives nationales, F17 2944

Recherches anthropologiques de Léon Cahun en Turquie d’Asie : images de sujets d’études de face et de profil, 1879

Paris, Archives nationales, F17 2944

Recherches anthropologiques de Léon Cahun en Turquie d’Asie : images de sujets d’études de face et de profil, 1879

Paris, Archives nationales, F17 2944

Fiche anthropométrique d’Alphonse Bertillon réalisée en 1894

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Bertillon 1

Issu d’une famille de scientifiques, Alphonse Bertillon intègre en 1879 la Préfecture de police de Paris en tant que « commis aux écritures » chargé de la copie et du classement des fiches signalétiques et photographiques. Soucieux de remédier aux nombreuses approximations qui caractérisent l’accomplissement de ce travail, il propose un nouveau système de classement qui s’appuie sur les mesures du corps. L’anthropométrie suscite d’abord l’hostilité de sa hiérarchie. En 1882, l’autorisation est cependant donnée à Bertillon d’expérimenter son procédé pendant trois mois. Il parvient à identifier un délinquant récidiviste, ce qui marque le premier succès de sa méthode.

Chambre photographique sur trépied, avec rails de déplacement

Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, École nationale supérieure de police

Cette chambre n’est pas du type de celles utilisées à la préfecture de police à l’époque de Bertillon. Il s’agit ici d’un modèle postérieur, conservé à la section criminalistique de l’École nationale supérieure de police, à Saint-Cyr-au-Mont-d’Or. Mais c’est bel et bien grâce à ce type d’imposants appareils que Bertillon a entrepris de rationaliser dans le détail le domaine de la photographie judiciaire à laquelle de nombreux perfectionnements seront apportés jusqu’au début des années 1910. Il adopte tout d’abord pour les portraits une double pose de face et de profil afin de favoriser la reconnaissance de caractères tels que le nez ou l’oreille. Un mode spécifique de prise de vue et la position de l’objectif permettent en particulier d’assurer l’horizontalité du regard pendant la pose de face. Pour cela, des réglages adaptés pour chaque sujet peuvent être réalisés par l’opérateur grâce à un appareil photographique spécialement conçu qui repose sur un bâti en fonte. L’individu photographié est ainsi placé mécaniquement de profil. Par ailleurs, la distance entre l’appareil et le sujet, permettant d’aboutir à un rapport d’échelle fixé tout d’abord à 1/7, structure l’ensemble du procédé qui rend possible l’équivalence des formes et assure un moyen théoriquement mathématique de comparaison entre la photographie et le sujet.

Chaise mobile pour les photographies anthropométriques

Saint-Cyr-au-Mont-d’Or, Ecole nationale supérieure de police, n°1009

La confection des clichés signalétiques face/profil tend à faire du prévenu un automate qui ne peut que subir la froideur fonctionnelle des contraintes qu’on lui impose. La conception et l’usage des appareils tout comme la normalisation des procédures ne lui laissent presque aucune autonomie. La chaise anthropométrique a été conçue par Bertillon de façon à écarter « toute cause d’affaissement du modèle pendant la pause », la tête du prévenu étant maintenue à l’aide d’une réglette en fer ou par un aide-opérateur qui, toutes proportions gardées, apparaît, au même titre que le bourreau, comme « l’agent d’une violence qui s’applique, pour la maîtriser, à la violence du crime » (Pierre Piazza).

Mallette de mensuration anthropométrique conçue par Alphonse Bertillon, 1905

Paris, musée de la préfecture de police, INV/PP/SMAC/OR1312

La nouvelle méthode d’identification repose d’abord sur la mesure de certaines parties du corps (longueur de la tête, du médius, de l’auriculaire, de la coudée, du pied, etc.). Lors du relevé des mensurations, les fonctionnaires de la préfecture de police observent une batterie d’instructions dont le seul but est d’obliger chaque individu à se conformer à toute une série de mouvements et de postures strictement définis. Placé contre un mur les bras en croix, assis sur un tabouret de quarante centimètres de hauteur, debout sur un seul pied… l’individu fait l’objet d’une multitude d’attouchements auxquels il doit impérativement se soumettre.

Fiche de recherche de Walder, 1879

Paris, archives de la préfecture de police, photographies judiciaires 1860-1879

En 1879, ces fiches de recherche et ces mandats d’arrêt, associés à des portraits ont, semble-t-il, été utilisés au cours de l’enquête sur l’assassinat d’un pharmacien par un certain Walder. On est alors encore loin de la normalisation que, dans les deux décennies suivantes, Bertillon va s’efforcer d’imposer à la préfecture de police. L’usage du portrait photographique dans les feuilles signalétiques et les mandats d’arrêt en est à ses balbutiements. Surtout, les portraits des criminels obéissent toujours à des considérations « artistiques », voire font l’objet de retouches, ce qui les rend parfaitement inutilisables aux yeux de Bertillon.

Fiche de recherche de Walder, 1879

Paris, archives de la préfecture de police, photographies judiciaires 1860-1879

Mandat d’arrêt avec photographie et signalement précis de Walder, 11 octobre 1879

Paris, archives de la préfecture de police, photographies judiciaires

Mandat d’arrêt avec photographie et signalement précis de Walder, 11 octobre 1879

Paris, archives de la préfecture de police, photographies judiciaires

Exemples de fiches de recherche, 1891. Boutry et son assassin (homosexuels), Louise Gray (avortement)

Collection Jean Mairet

La photographie judiciaire a deux usages principaux : confondre un récidiviste en lui montrant son portrait réalisé antérieurement ; permettre aux policiers ou à des témoins, lors d’une enquête, de reconnaître un individu recherché. À la préfecture de police, ces deux usages ont induit deux types de fiches à la fin du xixe siècle : la fiche anthropométrique (cf. infra) comportant le portrait face-profil et la fiche de recherche au format carte-de-visite, avec le seul portrait de face au recto et quelques indications au verso.

Exemples de fiches de recherche, 1891. Boutry et son assassin (homosexuels), Louise Gray (avortement)

Collection Jean Mairet

Exemples de fiches de recherche, 1891. Boutry et son assassin (homosexuels), Louise Gray (avortement)

Collection Jean Mairet

Exemples de fiches de recherche, 1891. Boutry et son assassin (homosexuels), Louise Gray (avortement)

Collection Jean Mairet

Exemples de fiches de recherche, 1891. Boutry et son assassin (homosexuels), Louise Gray (avortement)

Collection Jean Mairet

Exemples de fiches de recherche, 1891. Boutry et son assassin (homosexuels), Louise Gray (avortement)

Collection Jean Mairet

Fiche anthropométrique d’Alphonse Bertillon réalisée en 1912

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Bertillon 1

Sous l’impulsion de Bertillon, le Service de l’identité judiciaire de la préfecture de police devient ce laboratoire de l’identité qui donne peu à peu naissance au « système Bertillon ». Son auteur, qui n’hésite pas à se transformer lui-même en cobaye et à photographier ses propres enfants, ne va cesser d’enrichir : description des signes particuliers (cicatrices, grains de beauté, tatouages), colorimétrie de l’iris, description méticuleuse par le « signalement descriptif » du visage et du corps, empreintes dactylaires. D’un format carré, de 15 cm de côté environ, la « fiche parisienne » va connaître une très longue postérité.

Fiche anthropométrique du plus jeune enfant d'Alphonse Bertillon

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Bertillon 1

Fiche anthropométrique du plus jeune enfant d'Alphonse Bertillon

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Bertillon 1

Fiche anthropométrique de Nury, 13 mai 1905

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Affaires criminelles

Fiche anthropométrique de Thiriot, 12 mai 1905

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Affaires criminelles

Fiche anthropométrique de Jean-Jacques Liabeuf, exécuté le 1er janvier 1910

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Affaires criminelles

Cette fiches et les précédentes montrent l’évolution de la « fiche parisienne » avec, notamment, l’adjonction des empreintes dactylaires. La dactyloscopie a en effet apporté une garantie nouvelle et absolue en matière d’identité. Elle a rendu obsolète l’anthropométrie qui était la clé de voûte du système Bertillon mais qui, ne permettant que de différencier deux individus dissemblables, n’était pas cette garantie intangible, certaine, de l’identité. C’est à contre cœur, que Bertillon fit évoluer sa « fiche parisienne » en y adjoignant une, puis quatre, puis cinq empreintes dactylaires et ce n’est qu’en 1904 qu’il adopta la fiche décadactylaire en usage dans la plupart des pays.

Fiche anthropométrique de Jean-Jacques Liabeuf, exécuté le 1er janvier 1910

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Affaires criminelles

Fiche anthropométrique de Scheffer, 2 novembre 1902

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Affaires criminelles

Alors qu'il considérait avec méfiance les empreintes digitales, Bertillon réussit le premier l'identification d'un assassin à partir de ses seules empreintes (affaire Pierre-Léon Scheffer, mai 1902).

Une salle des fichiers de la préfecture de police de Paris, dans les années 1950

Paris, archives de la préfecture de police

Photographies des tableaux synoptiques et des planches anthropométriques pour le portrait signalétique, élaborés par Alphonse Bertillon, nez, fin xixe siècle

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Bertillonn°5, planches n° 6

Photographies des tableaux synoptiques et des planches anthropométriques pour le portrait signalétique, élaborés par Alphonse Bertillon, oreilles, fin xixe siècle

Paris, archives de la préfecture de police, boîte Bertillonn°5, planches n° 10

Atelier photographique de la préfecture de police

Paris, archives de la préfecture de police

Séance de mensuration, préfecture de police

Paris, archives de la préfecture de police

Mensuration anthropométrique, préfecture de police

Paris, archives de la préfecture de police

Mensuration anthropométrique, préfecture de police

Paris, archives de la préfecture de police

Mensuration anthropométrique, préfecture de police

Paris, archives de la préfecture de police

Mensuration anthropométrique, préfecture de police

Paris, archives de la préfecture de police

Instruments de mesure, préfecture de police

Paris, archives de la préfecture de police

Fiches anthropométriques d’Antoine, Marguerite et Nicolas, enfants handicapés, réalisées à la préfecture de police, s.d.

Paris, archives de la préfecture de police, Boîte Bertillon 1

Dès les années 1860, les malades mentaux ont été les premiers à servir de « cobayes » pour les travaux du docteur Duchenne de Boulogne (1862), pour ceux menés à l’hôpital Saint-Louis (1868), pour ceux de Londe, Charcot et Bourneville à la Salpétrière (1876). Les photographies de ces trois enfants handicapés, réalisées sans doute par Bertillon, sont révélatrices de la proximité de ce dernier avec le monde médical.

Fiches anthropométriques d’Antoine, Marguerite et Nicolas, enfants handicapés, réalisées à la préfecture de police, s.d.

Paris, archives de la préfecture de police, Boîte Bertillon 1

Fiches anthropométriques d’Antoine, Marguerite et Nicolas, enfants handicapés, réalisées à la préfecture de police, s.d.

Paris, archives de la préfecture de police, Boîte Bertillon 1

Salle des fichiers, préfecture de police

Paris, archives de la préfecture de police

Salle des fichiers, préfecture de police

Paris, archives de la préfecture de police

Salle des fichiers, préfecture de police

Paris, archives de la préfecture de police