2. La justice contemporaine

Plan du chapitre

La justice contemporaine

La Révolution française a également été l'occasion d'une révolution judiciaire. Elle instaure la présomption d'innocence et la publicité des débats contradictoires. La justice est dorénavant dans les mains des citoyens et les décisions sont prises au nom du peuple et non du roi.

Ainsi, la justice devient indépendante grâce à la nomination des magistrats. Elle se réorganise autour de deux ordres de juridiction : l'ordre administratif, chargé de juger les litiges entre les citoyens et l'administration, et l'ordre judiciaire, chargé de juger les litiges entre les citoyens ainsi que les infractions à la loi.

En matière pénale, il existe trois juridictions en fonction du niveau d'infraction : le tribunal de police, le tribunal de police correctionnel et le tribunal criminel.

Police Scientifique et médecine légale

La fin du XIXe siècle voit l’essor des sciences appliquées aux enquêtes criminelles et la spécialisation de leurs acteurs, avec un recours croissant aux experts. C’est la naissance de la police scientifique et de la médecine légale, la première couvrant les activités techniques de la police liées à la recherche et à l’identification des auteurs et/ou victimes d’infractions, la seconde visant à déterminer les causes des lésions des victimes par le biais d’autopsies.

Trouver le coupable

D’abord constitués par la déclaration du plaignant ou de témoins, les dossiers d’enquêtes s’enrichissent au fil du temps. La découverte des cadavres fait tout d’abord l’objet de simples procès-verbaux que l’on illustre par la suite de plans et de croquis de la scène de crime. L’audition des témoins, la recherche d’indices, de l’arme et du mobile du crime rythment les enquêtes. Les progrès des moyens de communication puis l’apparition de la photographie rendent de plus en plus efficace la diffusion des signalements souvent distribués dans tout le territoire.

Prisons

On place d’abord dans des petites maisons de correction les « marauds, vagabonds, incorrigibles… ». Beaucoup de prisonniers sont des opposants à la souveraineté, enfermés par lettres de cachet. Les premières « prisons », souvent d’anciens hôpitaux, hospices ou abbayes, sont dirigées par des institutions religieuses. Avec la Révolution française, la prison devient le principal moyen de répression. Le code criminel révolutionnaire organise les peines hiérarchiquement selon la nature des crimes et délits : en haut, la peine de mort, les fers (ou travaux forcés en 1810), puis la réclusion dans
une maison de force, la gêne, la détention, la déportation, la dégradation civique et le carcan.

Galères et bagnes portuaires

La peine des galères naît au XVe siècle et se répand à partir du XVIe siècle. Ce navire royal nécessite 260 rameurs. Les galériens, « la chiourme », sont des vagabonds, mendiants ou opposants au roi. Ils sont reconnaissables par leurs casaque et bonnet rouge, et par l’inscription au fer rouge des 3 lettres « GAL » sur leur épaule droite. Les rameurs sont attachés à un banc de jour comme de nuit, le long d’une rame de 12 mètres. Ils ne sont en mer que 2 à 3 mois par an ; le reste de leur peine est accomplie sur le port.
Une ordonnance de 1748 rassemble les galères à la marine marchande ; les bagnes sont nés. Les forçats sont rassemblés à Bicêtre, où 2 fois par an, ils sont conduits à pied et enchaînés les uns aux autres jusqu’au bagne de Toulon, puis ensuite également à celui de Brest.

Bagnes coloniaux

La conception du travail rédempteur associé à la mise en valeur des territoires, amènent les pays européens à ouvrir des bagnes dans leurs colonies. Les bagnes portuaires sont fermés et les condamnés aux travaux forcés sont transportés en Guyane, à partir de 1852, puis en Nouvelle-Calédonie en 1867.

La guillotine

A la Révolution, de nouveaux principes s’appliquent à la peine capitale. Elle se doit d’être égalitaire : la même pour tous. Elle se veut humaine : une mort plus rapide et sans aucune souffrance supplémentaire. Une diminution de l’intervention du bourreau est préconisée.

Joseph Ignace Guillotin est porteur de ces valeurs depuis la fin du XVIIIe siècle. Député de la Constituante, il défend ces principes auprès de l’assemblée qui les valide par une loi. Guillotin se rapproche alors du docteur Louis pour la conception de la machine. Le choix d’une machine qui tranche la tête et sectionne les vertèbres en une seule fois est décidé.

Lieux de l’exécution

A Rouen, pendant la Révolution, l’exécution se déroule toujours place du Vieux-Marché. A la demande du maire, le préfet arrête le 14 janvier 1836 qu’ « à l’avenir les exécutions à mort auront lieu à Rouen sur la place Bonne-Nouvelle à moins qu’il n’en soit autrement ordonné par le juge ». Ainsi, comme sous l’Ancien régime, des exécutions peuvent encore avoir lieu sur la commune du crime, comme pour l’affaire des assassins de Saint-Martinle- Gaillard. Le 24 juin 1939, le président du Conseil Édouard Daladier promulgue un décret-loi abolissant les exécutions capitales publiques. Dorénavant et jusqu’en 1981, elles auront lieu dans l’enceinte des prisons.

Paul-Émile Lasgi, 22 ans, avait assassiné à coups de marteau Gustave Facon et son domestique Gustave Guerrand, pour les voler, puis avait mis le feu à la ferme, en juin 1927. Le jour de son exécution, le 27 mars 1928, il dénonce son complice, Henri Renaux, qui sera condamné au bagne à perpétuité.

Le combat contre la peine de mort

Dès le XVIIIe siècle, Beccaria prône l’abolition de la peine de mort. Au XIXe siècle, Victor Hugo utilise sa notoriété d’écrivain et d’homme politique pour dénoncer la peine capitale. Entre 1906 et 1908, un courant politique milite pour son abolition. Le président Fallières utilise systématiquement durant cette période son droit de grâce.

La presse locale commence à s’intéresser aux affaires criminelles avec l’affaire Delamare en 1816. Mais c’est l’affaire Troppmann, l’assassin de Pantin arrêté au Havre, qui fait véritablement naître en France la presse de faits divers. Le Petit Journal, qui utilise les illustrations pour dramatiser le récit des crimes remporte un grand succès. À l’inverse, la presse normande utilise assez peu les illustrations avant la Première Guerre mondiale. Ce n’est que dans l’entredeux guerres que la photographie y apparaît. Le récit de l’affaire est alors moins détaillé.

Jusqu’au début de la IIIe République, la presse traite des procès d’assises et des exécutions capitales. Puis, les journaux relatent la découverte du meurtre ainsi que les moindres détails des enquêtes. L’information peut également avoir pour objectif de résoudre une disparition d’enfant.

Dès l’Antiquité, la « clameur publique » est une procédure qui permet de réclamer oralement justice pour un fait dont on est le témoin ou la victime. La forme la plus connue en est probablement le « haro normand », attesté dans le Grand Coutumier de Normandie dès le XIIe siècle. Les témoins d’un crime sont investis à titre temporaire du pouvoir de saisir l’accusé, dont le jugement relève du duc de Normandie puis du roi.

La foule se manifeste également lors des arrestations ou des procès. Elle exerce alors une pression importante sur la police et les jurés. La presse est le relais privilégié de cette opinion publique qu’elle encourage. La pression est telle que les suspensions de procès ne sont pas rares.

La rumeur n’est pas non plus absente du processus judiciaire, comme le montre l’exemple de la rumeur des « piqueurs de femmes » à Rouen en 1819-1820, qui inquiète les autorités par la psychose collective qu’elle menace d’installer. La foule se manifeste encore bruyamment lors des exécutions publiques. Au XIXe siècle, par souci de maintien de l’ordre, d’importantes forces de police sont mobilisées lors de ces évènements. Puis, le public est clairement éloigné des exécutions capitales, auxquelles on procède dans un quasi-secret. C’est en particulier le cas pour l’exécution publique du dernier mineur en France, André Vitel, guillotiné en 1939.

Un mouvement progressif d’exclusion de la foule et du public du processus judiciaire permet l’émergence d’une justice plus moderne.

On observe parallèlement l'émergence d'une nouvelle forme d’articles : les chroniques judiciaires qui placent le lecteur au centre du prétoire. La recherche du sensationnel et la volonté d'imposer l'opinion publique dans les débats judiciaires apparaissent dès lors comme des dérives d’une forme de journalisme à succès. Le discours des journaux influence ainsi parfois le cours des procès, comme pour l’affaire Druaux, dont il sera prouvé en 1896 qu’il s’agissait d’une erreur judiciaire.

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