En fonction des journaux, l’heure oscille entre 16h20 et 16h39, l’omnibus 142 qui assure la liaison entre la Bastille et la Madeleine débouche du boulevard du Temple sur la place de la République. C’est à ce moment que Jacob Law monte et va s’installer sur l’impériale entre le colonel De Ramel et un inconnu mystérieux, monté en même temps que lui, et qui disparaitra sans laisser de trace. A proximité, sur l’impériale, Monsieur Carlinot et sa femme. L’omnibus longe la place à laquelle Law fait maintenant face, il a le magasin de nouveautés « Au pauvre Jacques » dans son dos et la statue de la République en face de lui. Venant dans l’autre sens, une unité de cuirassiers croise l’omnibus, les chevaux sont au pas, l’omnibus est en train de ralentir pour la prochaine station. Law se lève vise et tire sur les cuirassiers. Dès le deuxième coup de feu le colonel De Ramel se lève et tente de stopper les tirs en le frappant au bras. Law parvient à tirer encore à trois reprises en braquant son arme, cette fois, vers le régiment d’infanterie en faction le long de la place. Monsieur Carlinot frappe alors à son tour, secondé par sa femme qui cogne frénétiquement avec son parapluie. Dès lors, Law désarmé est couché et reçoit une pluie ininterrompue de coups.
Monsieur Sarda, dès les premiers coups de feu, s’est élancé vers l’omnibus, et s’est hissé sur l’impériale en prenant appui sur une roue, il terrasse Law « en lui administrant la raclée qu’il méritait » c’est-à-dire des coups de poings et de pieds au visage alors que Law est déjà quasi inconscient, il sera félicité par le président du tribunal. Cinq coups de feu sont tirés au total, l’arme est un revolver, possédant donc un barillet et conservant les douilles après le tir. Lors du procès l’expert, Monsieur Gastinne Renette[2], fait remarquer que dans le barillet a six logements, une balle donc restait à tirer. La marque de l’arme ni le calibre ne sont précisés, un seul journal évoque la marque Browning (ce qui est peu probable, cette marque est plutôt connue pour ses pistolets). L’expert précise au procès que cette arme possède tout de même une force de pénétration conséquente.
On apprendra plus tard qu’un seul homme a été réellement touché mais sans provoquer de blessure : la balle s’est écrasée sur le cuirassier Ollagnier (ou Aulagnier) provoquant un enfoncement de la cuirasse, sans dommage pour le cavalier. Une deuxième balle sectionne la dragonne du sabre d’un officier, une troisième traverse la tunique et le pantalon du fantassin Mauclair qui la retrouve dans sa chaussure ! Deux balles disparaissent dans la nature. Sur cinq tirs donc, il y a trois impacts, et deux balles se volatilisent. Une reste à tirer dans ce revolver à six coups. Il faut noter que dans sa main gauche Law, quand il tire, tient une poignée de balles (le chiffre varie de six à quatorze en fonction des journaux) et que dans sa poche on retrouvera une boîte contenant encore quelques munitions.
Le colonel De Ramel qui le premier a frappé Law pour le désarmer, ne participe pas au lynchage, il témoigne : « … le garantir efficacement était impossible à moins de couvrir son corps et de recevoir les coups qui lui étaient destinés. J’eus pendant quelques minutes le spectacle de ce que pouvait être le lynchage d’un criminel accompli par une foule surexcitée. Je me demande encore comment cet individu ne fut pas assommé : c’est un miracle qu’il ait survécu !
[1] Même si parfois une citation ne fait référence qu’à un journal, la plupart du temps nous relatons dans cet article les faits compilés dans plusieurs quotidiens (voir bibliographie).
[2] Petit fils du célèbre armurier Gastinne et qui a épousé la fille de l’associé de son père, Monsieur Renette.