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12 décembre 1851. Décret concernant les individus placés sous la surveillance de la haute police et les individus reconnus coupables d'avoir fait partie d'une société secrète

Le président de la République, sur la proposition du ministre de l'intérieur ; considérant que la France a besoin d'ordre, de travail et de sécurité ; que, depuis un trop grand nombre d'années, la société est profondément inquiétée et troublée par les machinations de l'anarchie, ainsi que par les tentatives insurrectionnelles des affiliés aux sociétés secrètes et repris de justice toujours prêts à devenir des instruments de désordre ; considérant que, par ses constantes habitudes de révolte contre toutes les lois, cette classe d'hommes, non seulement compromet la tranquillité, le travail et l'ordre public, mais encore autorise d'injustes attaques et de déplorables calomnies contre la saine population ouvrière de Paris et de Lyon ; considérant que la législation actuelle est insuffisante, et qu'il est nécessaire d'y apporter des modifications tout en conciliant les devoirs de l'humanité avec les intérêts de la sécurité générale, décrète :

Art. 1er. Tout individu placé sous la surveillance de la haute police, qui sera reconnu coupable de rupture de ban, pourra être transporté, par mesure de sûreté générale, dans une colonie pénitentiaire, à Cayenne ou en Algérie. La durée de la transportation sera de cinq années au moins et de dix ans au plus.

2. La même mesure sera applicable aux individus reconnus coupables d'avoir fait partie d'une société secrète.

3. L'effet du renvoi sous la surveillance de la haute police sera, à l'avenir, de donner au gouvernement le droit de déterminer le lieu dans lequel le condamné devra résider après qu'il aura subi sa peine. L'administration déterminera les formalités propres à constater la présence continue du condamné dans le lieu de sa résidence.

4. Le séjour de Paris et celui de la banlieue de cette ville sont interdits à tous les individus placés sous la surveillance de la haute police.

5. Les individus désignés par l'article précédent seront tenus de quitter Paris et la banlieue dans le délai de dix jours, à partir de la promulgation du présent décret , à moins qu'ils n'aient obtenu un permis de séjour de l'administration. Il sera délivré à-ceux qui la demanderont une feuille de route et de secours qui règlera leur itinéraire jusqu'à leur domicile d'origine ou jusqu'au lieu qu'ils auront dé-
signé.

6. En cas de contravention aux dispositions prescrites par les art. 4 et 5 du présent décret, les contrevenants pourront être transportés, par mesure de sûreté générale, dans une colonie pénitentiaire, à Cayenne ou en Algérie.

7. Les individus transportés en vertu du présent décret seront assujettis au travail sur l'établissement pénitentiaire. Ils seront privés de leurs droits civils et politiques. Ils seront soumis à la juridiction militaire ; les lois militaires leur seront applicables. Toutefois, en cas d'évasion de l'établissement, les transportés seront condamnés à un emprisonnement qui ne pourra excéder le temps pendant lequel ils auront encore à subir la transportation. Ils seront soumis à la discipline et à la subordination militaires envers leurs chefs et surveillants civils ou militaires, pendant la durée de l'emprisonnement.

8. Des règlements du pouvoir exécutif détermineront l'organisation de ces colonies pénitentiaires.

9. Les ministres de l'intérieur et de la guerre, (MM. de Morny et de Saint-Arnaud) sont chargés, etc.