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6.1 Un « happening » permanent. Échanges sur la pédagogie du changement (1993)

6.1 Un « happening » permanent. Échanges sur la pédagogie du changement
Titre complet
Un « happening » permanent. Échanges sur la pédagogie du changement
Source
AH-PJM

Journées d'études « En 1968 à Bourges, du Bon Pasteur au complexe éducatif » (21 et 22 octobre 1993)

Pour Renée Prétot, directrice de l’établissement en 1968, toute une vie fantasmée a pesé sur les débuts du travail de l’IPES, car on évoluait avec les représentations de mère, sœurs, filles, cloîtrées… En somme, « un ventre maternel », avec la sécurité et les régressions que celui-ci génère. Il fallait bien en faire le deuil ; même l’ancien personnel du Bon Pasteur était déçu de ne pas trouver en face de lui « la bonne mère » qui allait régler tous les problèmes… Finalement, constate-t-elle, « cette folie de nous adresser vingt personnels en formation a été un gros atout » car ceux-ci n’avaient « pas d’idées préconçues ». À aucun moment, insiste-t-elle, elle ne se réfère au « modèle analytique » ; il s’agissait d’organiser une réflexion collective pour accompagner la pédagogie du changement, et dans les faits « toutes les décisions ont été réfléchies ensemble ».

Yann Le Pennec, rédacteur à l’Administration centrale (PJJ), observe qu’on a su ajuster l’institution aux problèmes posés et non l’inverse comme il était de tradition. Ainsi, la libre expression des problèmes rencontrés par les jeunes filles placées a généré la création de multiples lieux de médiation et de paroles. En examinant les documents, il a dénombré au moins 17 types de réunions très ciblées par secteurs et par fonctions, avec la supervision pour certaines d’entre elles du psychologue Joseph Villier. Celui-ci se remémore le contexte et constate que les quelques certitudes qu’il avait concernant la régulation des groupes et des institutions ont toutes été remises en cause à Bourges !…

Du fait du mode de direction avec ses multiples instances de réflexion et de délibération, tout le monde se trouvait en formation au sein même de l’exercice professionnel, y compris les personnels les plus anciens ! Dans ses intentions, Renée Prétot, explique que la « réunion générale » (dénommée aussi « le foirail ») visait à ce que l’ensemble des personnels de l’établissement se visualisent comme formant un groupe, une unité. Cette instance était un lieu d’expression de ce qui était irrationnel, souterrain, non-dit, aux antipodes de ce qui se passait à l’IPES de Brécourt, son anti-modèle.

Christiane Clermont évoque combien les jeunes éducatrices, dont elle était, se trouvaient fascinées par ce projet ouvert et innovant, le côté « happening permanent » de l’institution et la tranquillité de Mme Prétot « quand tout s’agitait autour de nous »… Aucune de ces instances ne s’est institutionnalisée de façon sclérosante, affirment les divers témoins.

Gisèle Fiche a retrouvé son cahier d’élève éducatrice (janvier 1969) dans lequel elle a noté divers problèmes à régler. Elle lit quelques passages significatifs concernant :

- la difficile circulation des décisions prises par la direction et l’éducatrice référente pour chacune des filles car, souvent « c’est par hasard qu’on est informées » ;

- la difficulté à dire « non » à la suggestion d’un personnel à cause du « pourquoi pas ? » de la politique de la maison…

- le problème des sanctions à l’égard des filles (lesquelles, comment ?), celui du fonctionnement des nuits, celui du fonctionnement de la conciergerie…

 

Publications

Rapports et articles

- Andrée Algan, L’établissement de Bourges, rapport d’étude, Vaucresson, décembre 1967, 37 p. [Consulter le document]

- Andrée Algan, L’établissement de Bourges, complément d’étude, Vaucresson, janvier 1968, 7 p. [Consulter le document]

- Lucien Prétot, Rapport d’inspection sur l’IPES de Bourges, Mission du 11.12 au 18.12.69, direction de l’Éducation surveillée, 12 janvier 1970, 16 p. [Consulter le document]

- Lucien Prétot, Rapport d’inspection sur l’IPES de Bourges, Mission du 21.1 au 30.1.70,  direction de l’Éducation surveillée, 30 avril 1970, 41 p. [Consulter le document]

- Renée Prétot, « Une hypothèse de travail : le complexe éducatif », Les Annales de Vaucresson, n° 11, 1973, p. 9-24.

- Yann Le Pennec, Bourges, du Bon Pasteur au complexe éducatif, établissement et institution, 1er décembre 1993, 6 p.

Livres et revues

Françoise Tétard et Claire Dumas, Filles de Justice, du Bon Pasteur à l’Éducation surveillée (XIXe-XXe siècle),Paris, Beauchesne-ENPJJ, avril 2009, 483 p.

Gisèle Fiche et Claire Dumas, « Passer la main. La laïcisation de trois établissements congréganistes », in « Que faire avec les filles ? », VST, n° 106, Érès, 2e trimestre 2010, p. 38-48.

Claire Dumas, "L'enfermement vu de l'intérieur (XXe siècle)", Criminocorpus, "Mauvaises filles", Déviantes et délinquantes XIXe-XXe siècles, mis en ligne le 27 mars 2018.

Marie Odile Supligeau, « À propos de l'ouvrage “Filles de Justice”, lecture d'une praticienne », in « Que faire avec les filles ? », VST, n° 106, Éres, 2e trimestre 2010, p. 20-28.

 

Claire Dumas et Gisèle Fiche

 

Pour en savoir plus, voir la présentation de la journée d'étude et de ses 9 séquences vidéos.

Mots-clés
Éducation surveillée Bourges (Cher, France) congrégations religieuses Bon Pasteur institutions publiques d'Éducation surveillée (IPES)