Entre les années 1880 et la veille de la première guerre mondiale, le nombre de récits de crimes dans la presse a doublé et l’anthropologie criminelle a connu son bref essor. Cet engouement pour les récits de crimes avait pour sujets principaux des apaches, des empoisonneurs, des escrocs, des tueurs en série… Ces individus et l'imaginaire qu'ils véhiculent sont parvenus jusqu'à nous, notamment au travers d'écrits : les récits de crime dans la presse, les histoires de Zola et d’Huysmans, et les manuels de Cesare Lombroso. Ces écrits participent à construire un imaginaire actuel de ces criminels d’autrefois.
Pourtant, à cette époque, l’imaginaire social du criminel se nourrit également de l’image. Les innovations techniques du secteur de l’imprimerie ouvrent la voie royale à une première presse illustrée à petit prix dans laquelle l’image jouit d’un poids rhétorique inédit dans la représentation des faits divers. Selon un journaliste du Petit Journal en 1890, « on ne se contente plus de la description du fait, on veut pour ainsi dire sa matérialisation parfaite ; il ne suffit pas qu'on lise, il faut qu'on voie. »
Dans cet engouement pour les récits de crimes, ce qu’il fallait voir c’était surtout l’accusé. Cette exposition a pour ambition de nous permettre justement de voir, nous aussi, l’accusé tel que la presse populaire le présentait en son temps à travers les illustrations qui révolutionnaient, il y a plus de cent ans, la perception du criminel.
Afin d'appréhender la diversité des images de l’accusé sur l’ensemble de cette période, l’exposition se focalise sur trois affaires ayant eu lieu respectivement en 1889, 1902 et 1912. En effet, entre 1889 et 1912, l’image de l’accusé évolue : alors que la gravure est progressivement remplacée par la similigravure, et que les enjeux du champs médiatique évoluent, le public se voit proposer une iconographie de l’accusé propre à son époque. Dépliants de complaintes vendus par des chanteurs de rue et cartes postales ayant pour sujet le crime complètent cette iconographie. Chaque image permet de voir le criminel sans être mis en sa présence. A travers cette mise en image et grâce à la naissance de la presse illustrée, l'image du crime devient quotidienne et banale.
Assemblage : Jean-Lucien Sanchez, chargé d’études en histoire, Laboratoire de recherche et d’innovation de la Direction de l’administration pénitentiaire (ministère de la Justice).
Édition en ligne : Delphine Usal, chargée d’édition, Criminocorpus Lab.