Service social des établissements pénitentiaires.
LE GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE,
à Messieurs les Directeurs des Circonscriptions pénitentiaires.
Le service social qui depuis la Libération a été organisé dans les Etablissements pénitentiaires était fondé jusqu'à présent sur de simples instructions ministérielles. Il vient de recevoir une consécration officielle par le décret du 1er avril 1952 (Journal officiel du 2 avril) portant règlement d’administration publique pour l’application de l’article 6 de la loi du 14 août 1885 sur les moyens de prévenir la récidive.
A cette occasion, il m’a paru utile de rappeler et de préciser, dans un texte unique, les attributions et les devoirs des assistantes sociales.
Tel est l’objet de la présente circulaire.
Article premier.
Le service social des prisons comprend des assistantes sociales (ou des assistants sociaux) d'établissements et une assistante sociale chef.
L’assistante sociale chef est placée directement sous l’autorité de l’administration centrale. Les assistantes dépendent administrativement et disciplinairement du directeur (ou du sous-directeur en faisant fonctions) de l'établissement où elles sont affectées, et, s’il s’agit d’un établissement ne comportant pas de fonctionnaire de ce grade, du directeur de la circonscription pénitentiaire.
CHAPITRE PREMIER. Rôle des assistantes sociales à l'égard du personnel pénitentiaire
Art. 2.
Les assistantes sont chargées d’assurer le service social du personnel pénitentiaire attaché à l'établissement où elles exercent leurs fonctions.
Art. 3.
En accord avec le chef d'établissement, tenu de porter ces renseignements à la connaissance des agents, elles choisissent les lieux et heures de permanence réservés à la réception du personnel.
Les locaux de réception des agents sont dans toute la mesure du possible distincts de ceux où l’assistante reçoit les détenus.
Toute intervention en faveur d’un agent ou de sa famille doit demeurer strictement confidentielle.
En vue de favoriser l’octroi d’un secours financier exceptionnel à un agent dans le besoin, l’assistante peut adresser directement, un rapport à la direction de l’administration pénitentiaire (1er bureau).
Art. 4.
Les assistantes peuvent rendre visite à leur domicile aux agents ou à leur famille, soit à la demande des intéressés, soit de leur propre initiative lorsqu’elles ont appris qu’un événement d’ordre familial rend cette visite souhaitable.
Le travail social peut être fait en liaison avec les divers services sociaux polyvalents de la ville ou du département où est situé rétablissement.
Art. 5.
II est recommandé de créer dans chaque maison un groupe d’entr’aide sociale placé sous la présidence du chef de l'établissement dont l’assistante est la conseillère technique.
Ce groupe a notamment pour objet la constitution d’un fonds de secours, l’organisation d’une bibliothèque du personnel, de garderies pour les enfants des agents, l’ouverture de cours, la création d'équipes sportives, l’organisation des loisirs (fêtes, excursions, etc...).
Le développement de ces activités sociales peut être recherché par une entente avec les autres services sociaux locaux.
CHAPITRE II. Rôle des assistantes sociales à l'égard des détenus
Art. 6.
Conformément aux dispositions de l’article 5 alinéa premier du décret du 1er avril 1952, les assistantes sociales ont pour mission de veiller au relèvement moral des détenus et de faciliter leur reclassement après leur libération.
Elles doivent, dès l’arrivée des détenus dans l'établissement, procéder à un dépistage social systématique.
SECTION I Le dépistage social
Art. 7.
L’assistante sociale doit prendre le plus rapidement possible contact avec les entrants. A cet effet, elle est avisée chaque jour ou à chacune de ses visites, par les services du greffe, du nom et de la situation pénale de tout détenu récemment écroué.
Les indications qu’elle recueille lui permettent d'établir une fiche sociale (modèle 553 Imp. adm. MELUN) dont les rubriques seront complétées progressivement selon les besoins.
Art. 8.
L’assistante doit immédiatement s’informer de la situation matérielle et morale de l’intéressé ainsi que de celle de sa famille. Elle prend toutes mesures urgentes, soit directement, soit par l’intermédiaire de services sociaux extérieurs, pour remédier aux difficultés que chaque espèce pourrait présenter.
Il lui appartient notamment, dans le cas où cela pourrait être utile, de se mettre en rapport avec les employeurs afin que soit réservée la place qu’occupait le détenu avant son incarcération.
Les fiches et dossiers modèles 550, 551 et 552 (Imp. Adm. MELUN) peuvent se substituer à la fiche mod. 553 lorsque, par suite du travail social engagé, le format de cette dernière se révèle insuffisant.
SECTION II Le relèvement moral des détenus
Art. 9.
Principalement dans les établissements dépourvus d'éducateurs, les assistantes sociales doivent s’efforcer de faciliter le relèvement moral des détenus. Dans ce but, elles visitent, conseillent et soutiennent les intéressés, en commençant pour les plus jeunes, les primaires et parmi les récidivistes ceux qui paraissent ouverts à leur bonne influence.
Elles peuvent également se faire suppléer dans ce rôle de rééducation par les visiteurs et visiteuses de prisons ainsi que le prévoit l’article 5 alinéa 3 du décret du 1er avril 1952 et la circulaire du 20 janvier 1947.
Art. 10.
Chaque visiteur doit, lors de sa première visite à un détenu, remplir une fiche (modèle 537, Imp. Adm. MELUN) et la remettre sans délai à l’assistante sociale qui la classe par ordre alphabétique.
L’assistante est chargée de la tenue du fichier des visiteurs de l'établissement ; elle signale à ceux-ci la prise en charge d’un même détenu par deux visiteurs ; le fichier doit être placé en un lieu facilement accessible aux visiteurs qui peuvent ainsi le consulter à leur gré.
Une fois par trimestre, l’assistance prend l’initiative de réunir tous les visiteurs pour une confrontation des méthodes employées et des résultats obtenus.
Art. 11
L’assistante doit, en accord avec le chef d'établissement, rechercher tous les moyens qui, sans nuire à la discipline, à la sécurité et au travail dans l'établissement, sont susceptibles d’enrichir les connaissances intellectuelles, professionnelles et la culture générale des détenus.
Lorsque la disposition des locaux de l'établissement le permet, et après autorisation préalable du directeur de la circonscription pénitentiaire, il y a lieu notamment d’organiser, soit avec des concours étrangers, soit avec l’aide des détenus, des conférences, concerts, chorales, représentations théâtrales, cours ménagers, cours d’instruction générale ou de technique industrielle, etc... Il peut également être fait appel à des émissions radiophoniques et à des projections cinématographiques suivies, si possible, de commentaires appropriés.
A l’occasion des fêtes il est recommandé aux assistantes d’organiser, dans la mesure des moyens dont elles disposent, des distributions de denrées alimentaires ou d’objets utiles.
Art. 12.
Dans les maisons d’arrêt et de correction dont la population ne dépasse pas 300 détenus, l’assistante est chargée de l’organisation et du contrôle de la bibliothèque mise à la disposition des détenus, conformément aux prescriptions de la circulaire A. P. 24 du 13 décembre 1950.
Elle doit notamment contrôler le détenu bibliothécaire en veillant au bon classement des ouvrages, à la mise à jour du catalogue général et des catalogues annexes sur lesquels les détenus font leur choix, à la tenue du registre de distribution, à la réparation et, le cas échéant, à la reliure des livres.
Art. 13.
Le chef d'établissement peut confier à l’assistante sociale le soin d’annoncer aux détenus les nouvelles graves ou importantes concernant leur famille et de faire part aux familles des nouvelles du même ordre concernant les détenus.
SECTION III Le reclassement des libérés
Art. 14.
Les services du greffe de l'établissement signalent à l’assistante les détenus libérables par expiration de peine un mois à l’avance.
Les intéressés sont aussitôt reçus par l’assistante pour que soient entreprises les démarches ayant notamment pour but de procurer à tous ceux qui en auraient besoin, travail, hébergement, vêtements et aide financière.
L’assistante, à cet effet, travaille en liaison avec les œuvres charitables et tous les services publics susceptibles de procurer aux libérés des emplois ou des secours.
Lorsque le libéré définitif ne possède pas d’appui moral, l’assistante s’efforce de le persuader avant son élargissement, de solliciter le soutien du Comité d’Assistance aux libérés.
Art. 15.
Les services du greffe signalent pareillement les détenus susceptibles d'être proposés pour la libération conditionnelle.
Eventuellement, l’assistante recherche alors avec l’accord des intéressés, les certificats d’hébergement ou de travail nécessaires. Elle peut, si elle l’estime utile, joindre au dossier un rapport social. Cette pièce comporte des renseignements sur le détenu, son milieu, ses conditions de vie antérieures à l’incarcération, ses projets et ses possibilités de reclassement. Ce rapport doit être objectif et mettre par conséquent en évidence aussi bien ce qui est défavorable au détenu que ce qui lui est favorable.
L’assistante prend contact si elle le juge utile avec le Président du Comité d’assistance aux libérés dans le département duquel le condamné se retire, pour indiquer tous les moyens susceptibles, à son avis, de favoriser la réintégration du libéré dans la vie sociale.
Conformément aux dispositions de la circulaire A. P. 32 du 11 mai 1951, l’assistante sociale est consultée sur le point de savoir si un dossier de proposition à la libération conditionnelle doit être présenté en faveur de certains condamnés aux travaux forcés.
Art. 16.
Lorsqu’un détenu bénéficie d’une mesure entraînant sa libération immédiate et imprévue, l’assistante prend d’extrême urgence toutes les dispositions qui lui paraissent utiles pour assurer un rapide reclassement du libéré. A cette fin, elle doit être informée dans les plus brefs délais de la levée d'écrou par le greffe de l'établissement.
Art. 17.
L’assistante prévenue à l’avance de la date de libération des détenus placés à l’infirmerie de l'établissement ou hospitalisés, doit rechercher, en accord avec le médecin, un placement sanitaire adéquat à la situation des intéressés.
Art. 18.
Lorsqu’un détenu de nationalité étrangers sollicite l’aide de l’assistante pour régulariser sa situation administrative, celle-ci, après avoir pris l’accord écrit de l’intéressé, fait parvenir au Service Social de la Main-d'Œuvre Etrangère compétent le questionnaire spécial prévu par la circulaire 243 O. G. du 2 avril 1951.
SECTION IV Moyens mis à la disposition des assistantes sociales pour remplir leur rôle
Art. 19.
Pendant toute la durée de leur incarcération, les détenus peuvent être reçus par l’assistante sociale, soit à leur demande, soit sur appel de celle-ci.
A cet effet, les prévenus et condamnés qui désirent s’entretenir avec elle peuvent solliciter par écrit une audience. Les lettres par eux adres-sées à l’assistante sont remises sous pli cacheté aux agents de l’Administration et déposées par ces derniers dans un casier spécialement affecté à cet usage.
De son côté, l’assistante peut convoquer un détenu ; mais dans tous les cas, elle est seule juge de l’opportunité de recevoir un détenu ou d’effectuer pour lui les démarches qu’on sollicite d’elle. Toutefois son rôle ne saurait s'étendre à des activités qui ne seraient pas d’ordre social.
Art. 20.
En application des dispositions de l’article 5, alinéa 2 du décret du 1er avril 1952, les assistantes sociales sont autorisées à circuler librement pour les besoins de leur service dans les locaux de détention de l'établissement où elles sont affectées, à l’exclusion toutefois des ateliers pendant les heures de travail.
Elles peuvent s’entretenir avec les détenus, soit dans les salles mêmes où ceux-ci sont placés, soit dans un bureau aménagé à l’intérieur de la détention et qui leur est réservé. Dans ce dernier cas, l’assistante remet au chef d'établissement ou à un membre du personnel désigné par lui, la liste des détenus qu’elle désire recevoir. Ceux-ci sont extraits des locaux où ils se trouvent et conduits sous surveillance au bureau de l’assistante. Ces entretiens ne doivent pas avoir lieu pendant les heures de travail des détenus.
La porte du bureau peut être vitrée, mais les entretiens doivent avoir lieu en dehors de toute autre présence conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’article 5 du décret du 1er avril 1952.
Art. 21.
Par exception aux règles posées à l’article précédent :
L’accès des assistantes est subordonné à une autorisation préalable du chef d'établissement dans les quartiers disciplinaires, les dortoirs en commun des quartiers des hommes ainsi que dans les ateliers des mai-sons centrales et établissements assimilés ;
Un gradé assiste aux entretiens quand une assistante visite un condamné à mort, mais il s'éloigne suffisamment pour ne pouvoir entendre une conversation échangée a voix basse (Art. 10 de la circulaire du 9 mars 1949) ;
Les prévenus et accusés auxquels il est interdit de communiquer par application des dispositions de l’article 613 du Code d’Instruction Criminelle ne peuvent recevoir la visite de l’assistante à moins que celle-ci ne soit en possession d’une autorisation expresse et écrite du magistrat chargé de l’information,
Art. 22.
Pour pénétrer dans les établissements pénitentiaires autres que celui où elles sont affectées, les assistantes sociales doivent être munies d’une autorisation délivrée soit par l’Administration centrale, soit par le directeur de la circonscription.