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Document n°3 : Jean-Baptiste Lassalle, un directeur républicain

Corinne Jaladieu

Jean-Baptiste Lassalle entré dans l’administration pénitentiaire en 1910 comme surveillant commis greffier, en franchit tous les échelons. Économe sous-directeur de Fresnes en 1938, il reçoit un témoignage officiel de satisfaction le 20 mai 1938 ; nommé directeur de la Maison d’Éducation surveillée de Belle-Île en octobre 1938 pour ses qualités de diplomate et de négociateur, il est ensuite promu à l’administration centrale, à la Santé en octobre 1939. 
C’est à un homme de confiance du pénitentiaire auquel le nouveau régime fait appel pour diriger la centrale d’Eysses le 21 octobre 1940, avant de lui confier la responsabilité de garder l’ensemble des résistants de zone sud en octobre 1943. « Monsieur Lassalle me paraît être l’homme idoine. Ce fonctionnaire droit loyal et d’un dévouement absolu possède assez d’autorité de fermeté et de décision pour remplir la difficile mission qui va lui être confiée » conclut l’Inspecteur général dans son rapport du 5 octobre 1943. Or, ce sont précisément ces qualités qui feront de ce fonctionnaire dévoué, un auxiliaire précieux des détenus politiques dont il a la charge. S’il fait preuve de bienveillance envers les prisonniers politiques de sa circonscription dès 1941, il accepte en octobre 1943 d’accorder le régime politique aux centaines de détenus politiques qui arrivent dans son établissement. En même temps, les concessions accordées à un Collectif organisé présentent la contrepartie de l’ordre et de la discipline et le déchargent d’une lourde tâche. Ce fonctionnaire a éprouvé du respect, voire de la sympathie pour les résistants, mais son sens du devoir l’a sans doute poussé à leur refuser tout à la fois un traitement inhumain dicté par les circonstances et l’ouverture des portes. L’attitude du directeur a sans doute été déterminante pour une partie du personnel dont la sympathie active envers les politiques a ainsi été facilitée.

L’administration pénitentiaire met un certain temps avant de suspecter ce fonctionnaire méritant. Le 22 décembre 1943 son directeur « ayant l’impression que M. Lassalle n’a pas suffisamment en main la sa maison », décide de lui accorder un congé d’un mois pour raison de santé, en attendant de l’affecter à un autre poste et lui exprime « sa vive satisfaction pour les efforts qu’il n’a cessé de déployer depuis qu’il appartient aux cadres de l’administration pénitentiaire » tout en le remerciant du dévouement dont il a fait preuve à Eysses. C’est le rapport accablant envoyé au directeur général de l’administration pénitentiaire par son successeur par intérim, M. Chartroule (directeur de la circonscription pénitentiaire de Toulouse), le 31 décembre, dénonçant le relâchement de la discipline, qui change la donne. Dès sa réception, M. Lassalle est relevé de ses fonctions (par télégramme du 31 décembre 1943) et invité à quitter la centrale dans les quarante-huit heures. Un mandat d’internement est pris contre lui, sa tête mise à prix par la milice. En janvier 1944 le milicien Schivo ami personnel de Darnand remplace M. Lassalle jugé trop conciliant avec les politiques.