Législation / Textes relatifs à la justice des mineurs /

Ordonnance royale du 9 septembre 1814

Louis, etc.

Nous étant fait rendre compte de la situation dans laquelle se trouvent les jeunes gens condamnés par notre cour royale du département de la Seine; sachant que, répartis dans plusieurs des prisons de notre bonne ville de Paris, ils sont confondus avec des coupables vieillis dans le crime; que ce prisons n'offrent point encore les distributions nécessaires pour opérer les séparations convenables entre les différents genres de délits, objet que nous nous proposons d'atteindre; considérant que ces jeunes condamnés, plus susceptibles que les autres de reconnaître leur erreur et de mériter de rentrer dans la société, non-seulement sans danger, mais en étant dignes d'y reprendre un rang, doivent être l'objet de notre sollicitude; que, dans les établissements où ils sont disséminés et réunis à d'autres condamnés, ils se trouvent privés des moyens les plus propres à obtenir leur amendement; qu'ils y sont soumis à une discipline et à un régime qui ne les rapprochent point de ce but ; qu'ils n'y reçoivent aucune instruction ; qu'enfin ils y sont sans travail, Avons ordonné ce qui suit:

Article premier
Cent jeunes condamnés criminellement ou correctionnellement par sentence des tribunaux, et n'ayant pas atteint leur vingt-cinquième année, seront extraits des prisons de notre bonne ville de Paris, et réunis dans un local désigné par notre ministre de l'intérieur.

2. Il sera établi dans cette maison un ordre, un régime particulier, des moyens d'instruction adaptés aux jeunes condamnés, et des ateliers suivant le genre d'industrie le plus convenable, d'après un examen fait par le conseil.

3. Le directeur de cet établissement sera nommé par nous : il sera chargé de la surveillance, de la direction générale de la police, de celle de l'instruction, du travail des condamnés, de l'administration de la prison: il présentera à la nomination de notre ministre de l'intérieur les employés qu'il croira nécessaires pour le seconder, et sera, d'après la faculté que nous lui accordons, responsable de ce choix.

4. Il y aura un conseil gratuit d'inspection et de surveillance, dont les membres, au nombre de six, seront choisis, par le préfet de la Seine, parmi les propriétaires qui jouissent d'une considération méritée, présentés à notre ministre de l'intérieur et nommés par lui.

5. Le directeur soumettra à l'approbation de notre ministre un règlement qui sera discuté, et subira, s'il y a lieu, les modifications convenables.

6. Il nous sera rendu, tous les trois mois, un compte de l'état de cet établissement sous tous les rapports. Pour que ce compte soit aussi complet que possible, notre ministre nommera à une commission composée d'un conseiller d'État, d'un maître des requêtes, de trois membres de notre Cour de cassation, qui visiteront au moins une fois par mois la maison de correction des jeunes gens du département de la Seine, dans tous ses détails.

7. Le directeur rendra à notre ministre de l'intérieur un compte mensuel, général et détaillé de la maison, un compte des recettes et dépenses.

8. Il sera nommé un instituteur spécialement chargé de l'instruction des jeunes condamnés, et de leur rappeler les devoirs de la morale et de la religion.

9. Nous nous réservons d'accorder, de l'avis de notre chancelier, des graces pour abréger la détention de ceux des prisonniers qui, s'étant fait remarquer par leur conduite, seront jugés dignes d'être rendus à la société.

Notre ministre de l'intérieur est chargé de l'exécution de la présente ordonnance.

Source : Collection complète des lois, décrets, ordonnances, règlemens et avis du Conseil d'État... : de 1788 à 1830 inclusivement, par ordre chronologique, continuée depuis 1830.... Tome 19 / par J.-B. Duvergier, p. 172.