M. Fualdès entraîné chez Bancal. Lithographie, 25,7 x 32,5 cm, Paris, Martinet, 1818
Source : Collection particulière
L’acte d’accusation du 12 juin 1817 scelle le destin des accusés et le récit des événements de la soirée. Il condense toutes les affabulations des multiples témoins et sera le socle des extrapolations futures. Le document présente le crime comme une véritable épopée tragique. À la nuit tombée, des joueurs de vielle couvrent de leur musique l’enlèvement de la victime alors qu’elle se rend à un mystérieux rendez-vous. Bâillonné, Fualdès est conduit sous la menace dans la maison Bancal ; la victime est « étendue sur une table et égorgée avec un couteau de boucher » ; son sang est « reçu dans un baquet et donné à un cochon qui ne put le finir » ; le surplus est jeté.
Bastide conduisant le corps de M. Fualdès à l’Aveyron, lithographie sur papier vélin, 28,9 x 19,5 cm, Paris, 1817
Source : Collection particulière
Le corps est « placé sur deux barres, enveloppé dans un drap et dans une couverture de laine, lié comme une balle de cuir ». Après le forfait, tel un cortège funèbre traversant la ville endormie, Fualdès est « porté vers les dix heures du soir dans la rivière d’Aveyron, par quatre individus, précédés d’un homme à haute taille, armé d’un fusil ».
La scène de l’assassinat est le fruit de l’imagination des enfants Bancal, successivement enrichie au fur et à mesure des dépositions… jusqu’à l’ignominie. Le nombre des participants augmentera aussi au fil des différentes procédures. La petite cuisine encombrée de meubles accueillera jusqu’à 17 personnes, ajoutant ainsi à l’horreur l’invraisemblable d’un spectacle offert à des témoins qui n’avaient rien à faire dans ce lieu.
Don Lois Craig Prokopoff, Rodez, musée Fenaille
Source : Collection particulière
Que n’a-t-on pas dit et écrit sur « l’infâme maison Bancal » ? Qualifiée de bouge ou de lieu de prostitution, elle est présentée par l’accusation comme la maison du crime. Elle agrège tous les fantasmes liés à cette affaire et semble circonscrire, dans un espace clos, toutes les infamies. La rue des Hebdomadiers n’était pas le quartier mal famé si souvent décrié. Cette habitation modeste du XVIIIe siècle était une maison d’hebdomadiers, ces prêtres chargés d’un service hebdomadaire à la cathédrale voisine. Son propriétaire, le boucher Vergnes, en avait fait un immeuble de rapport abritant de nombreux locataires.
La famille Bancal occupait la cuisine du rez-de-chaussée et une chambre au deuxième étage. La découverte de la canne de Fualdès rue du Terral et du mouchoir perdu par Anne Benoit à proximité, va la désigner rapidement comme un lieu suspect dans une rue tout à fait honorable. Bergounian, un des amis de Fualdès présent lors de sa dernière veillée, occupait la maison voisine.
David Niépce, Relief de la maison Bancal à Rodez où fut assassiné Monsieur Fualdès, 1820, technique mixte, 33,5 x29,3 x P. 52,5 cm
Source : Collection particulière
La Dépêche du Midi, 2 décembre 1961
Source : Collection particulière
Tout au long du XIXe siècle et jusqu’à la première moitié du XXe siècle, la maison Bancal était un de ces lieux à voir pour les personnes de passage à Rodez. Une curiosité plus ou moins malsaine comme l’évoque Maurice Barrès dans son ouvrage Le Voyage à Sparte. Au moment de l’affaire, les francs-maçons envisagent un temps de l’acheter pour la détruire et élever à sa place un monument à la mémoire de Fualdès. Elle est finalement démolie en 1962 dans l’indifférence générale et bien des Ruthénois n’en connaissent plus l’emplacement exact.
« Son aspect n’a pas dû changer depuis 1817, toujours la même maison à mine interlope, à escalier louche ; au surplus, nous ne poussâmes pas davantage nos explorations, et nous eûmes garde d’emporter, tels certains Anglais amateurs de souvenirs palpables, des éclats de bois arrachés au cabinet noir ou à la chambre rouge. » Compte-rendu de l’Automobile Club du Périgord, 1907.