CHAPITRE III. DU TRAVAIL DES DÉTENUS.
Art. 85. Organisation et comptabilité.
Des travaux seront organisés dans chaque prison, de manière à ne laisser aucun condamné oisif.
Un arrêté du préfet, pris sur l’avis du sous-préfet, du maire et de la commission de surveillance, déterminera le mode d’organisation et de comptabilité du travail.
Art. 86. Refus de travail puni.
Tout condamné qui, sans excuse valable, refusera de travailler, sera mis au pain et à l’eau, sans préjudice des autres punitions, s’il y a lieu.
Art. 87. Produit du travail.
Il sera disposé du produit du travail des condamnés de la manière déterminée par l’article 12 de l’Ordonnance royale du 2 avril 1817. (Voir l’article 105).
Art. 88. Dispositions relatives aux prévenus et aux accusés.
Les prévenus et les accusés pourront être employés, sur leur demande, aux travaux admis dans la prison. Dans ce cas, ils seront assujettis à la règle commune prescrite pour l’organisation et la discipline du travail.
Le produit de leur travail leur appartiendra. Toutefois, une portion de ce produit pourra être mise en réserve, suivant la position du prévenu, pour ne lui profiter qu’après jugement. Il sera statué à cet égard, par le préfet ou par le sous-préfet, sur la proposition de la commission de surveillance.
CHAPITRE IV. RÉGIME DISCIPLINAIRE ET DE POLICE.
§ ler. Règles communes aux diverses classes de détenus.
Art. 89. Classifications.
A défaut de maisons distinctes d’arrêt, de justice et de correction, les préfets, les sous-préfets et les maires veilleront à ce que les prévenus, les accusés et les condamnés renfermés dans la même maison y occupent des locaux séparés.
Les prisonniers de passage seront placés dans des chambres séparées. En aucun cas, ils ne pourront communiquer avec les autres détenus.
Les condamnés correctionnels ou criminels resteront, jusqu'à leur transfèrement au bagne ou à la maison correctionnelle, dans la maison d’arrêt ou de justice où ils étaient lors de leur condamnation. Ils y seront séparés des prévenus et des accusés.
Dans chacune des catégories ci-dessus, les détenus des deux sexes seront complètement et constamment séparés.
Art. 90. Lit.
Chaque détenu occupera un lit séparé. II sera tenu de se déshabiller pour se coucher.
Art. 91. Réunion au préau. Chauffoir, etc.
Les prisonniers d’une même catégorie pourront seuls se promener ensemble dans le même préau, et être réunis dans le même chauffoir ou atelier, ou toute autre chambre qui en tiendra lieu.
Art. 92. Parloir. Durée et condition des visites.
Sauf le cas d’autorisation spéciale accordée par le préfet ou par le sous-préfet, les visiteurs ne pourront communiquer avec les prisonniers qu’au parloir ou dans le local qui en tiendra lieu, et en présence des gardiens.
Les détenus de classes et de sexe différents ne pourront être admis en même temps au parloir.
En aucun cas, les visiteurs ne pourront boire ni manger avec les prisonniers. La durée des visites sera déterminée par le Règlement particulier de la prison, qui déterminera également si elles auront lieu, tous les jours, ou seulement certains jours de la semaine.
Art. 93. Repris de justice.
Toute communication avec les détenus est interdite aux repris de justice. Il n’y a d’exception que pour les père, mère, femme, mari, frères, sœurs, oncles, tantes, ou le tuteur du détenu.
Art. 94. Bienvenue.
II est expressément défendu d’exiger ou de recevoir quoi que ce soit d’aucun prisonnier entrant ou sortant, à titre de bienvenue, étrennes, droit de prévôt, ou à tout autre titre.
Art. 95. Obéissance.
Les détenus doivent obéir au directeur ou aux gardiens, en tout ce qu’ils leur prescrivent pour le maintien du bon ordre et l’exécution des règlements.
Art. 96. Obligations d’ordre et de propreté.
Chaque prisonnier est obligé de faire son lit, et d’entretenir sa chambre ou la place qu’il occupe au dortoir, dans un état constant de propreté.
Les dortoirs et corridors seront balayés et lavés par les prisonniers, à tour de rôle.
Les condamnés seront, en outre, obligés de faire, à tour de rôle, tout ce qui leur sera prescrit pour la propreté et la salubrité delà prison.
Art. 97. Dortoirs.
Dans les maisons où il y aura des locaux susceptibles d'être affectés spécialement à la réunion des prisonniers pendant le jour, l’entrée des dortoirs leur, sera interdite entre le lever et le coucher.
Art. 98. Jeux.
Les jeux de toute sorte sont interdits.
Art. 99. Rasoirs, etc.
Aucun détenu ne pourra avoir de rasoirs à sa disposition, non plus qu’aucun autre instrument, sans une autorisation spéciale délivrée par le maire, sur l’avis de la commission de surveillance.
Art. 100. Chants. Cris. Silence.
Les chants et les cris sont détendus. Il en est de même de toute conversation à voix haute, de toute réunion bruyante, et de toute demande ou pétition collective.
Le silence est obligatoire pendant le repas, le travail et dans les dortoirs.
Art. 101. Punitions.
Toute infraction aux règles de la prison sera punie, suivant les cas, de l’une des peines disciplinaires suivantes :
La privation de la promenade, de l'école, des visites, de correspondance, de secours du dehors, et de tout ou partie du produit du travail ;
La mise au pain et à l’eau ;
La mise au cachot ;
La mise aux fers dans les cas prévus par l’art. 614 du Code d’instruction criminelle ;
Le tout sans préjudice de la réparation pécuniaire des dégâts et dommages causés, s’il y a lieu.
§ 2. Règles particulières aux Prévenus et aux Accusés.
Art. 102. Facilités accordées. Tableau des avocats.
Toutes les communications et autres facilités compatibles avec le bon ordre d’une prison seront accordées aux prévenus et aux accusés.
Comme ils doivent avoir le libre choix de leurs défenseurs (voir art. 41), le tableau des avocats et des avoués de la localité demeurera affiché dans la maison d’arrêt et dans la maison de justice, ou dans les quartiers de la prison commune qui en tiendront lieu.
Art. 103. Argent de poche.
Aucun prévenu ou accusé ne pourra avoir en sa possession au delà d’une somme de cinq francs. Le surplus devra être remis au gardien, qui en passera immédiatement écriture au compte du déposant.
§ 3. Règles particulières aux Condamnés.
Art. 104. Lettres, secours et aliments du dehors.
Les condamnés pourront recevoir des lettres et des secours du dehors, dans les limites du Règlement de la maison.
Ils pourront, outre les aliments, recevoir du dehors tous autres objets autorisés, en se conformant aux prescriptions de l’article 62 du présent Règlement.
Art. 105. Argent de poche et autre.
Ils pourront aussi, dans les mêmes limites, se procurer quelques adoucissements avec le produit de leur travail, ou à l’aide des secours de leurs parents ou amis.
En tous cas, l’article 3 de l’Arrêté du 10 mai 1839, qui interdit aux condamnés des maisons centrales d’avoir de l’argent sur eux, sera appliqué aux condamnés détenus dans les prisons départementales.
Art. 106. Visites.
Hors les cas d’autorisations spéciales accordées par les préfets et sous-préfets, les condamnés ne pourront recevoir de visites. Sont exceptés toutefois les père, mère, femme, mari, frères, sœurs, oncles, tantes et tuteur, pour lesquels l’autorisation écrite du maire suffira.
Art. 107. Peine uniforme.
Hors les cas prévus par le présent Règlement, aucune dérogation quelconque ne pourra être apportée à l’uniformité de la règle à laquelle les condamnés doivent être généralement et indistinctement soumis.
§ 4. Règles particulières aux Jeunes Détenus.
Art. 108. Séparation.
Tout enfant âgé de moins de seize ans, arrêté et incarcéré, doit être entièrement séparé, le jour comme la nuit, de tous autres détenus adultes.
Art. 109. Quartiers distincts.
Les enfants mentionnés dans les articles 66, 67 et 69 du Code pénal, qui ne sont détenus que pour un an et au-dessous, ou qui, quoique détenus pour plus d’un an, n’auraient pas encore été transférés dans des maisons centrales d'éducation correctionnelle, seront enfermés dans des chambres ou quartiers séparés des maisons départementales d’arrêt, de justice ou de correction.
Art. 110. Placement en apprentissage.
Le placement en apprentissage des enfants jugés en vertu de l’article 66, et remis à la tutelle de l’administration départementale pour un an seulement, ne devra avoir lieu que lorsque l’enfant aura déjà été détenu pendant un certain temps.
Le préfet prendra, en tout cas, l’avis de la commission de surveillance.
Art. 111. Jeunes filles détenues.
Les jeunes filles acquittées, mais retenues pour un an, en vertu de l’article 66 du Code pénal, pourront être placées par le préfet dans des maisons de refuse ou de charité autorisées à les recevoir.
§ 5. Règles particulières aux Enfants détenus par voie de correction paternelle.
Art. 112. Quartiers séparés. Frais d’entretien.
Les enfants détenus par voie de correction paternelle, conformément aux articles 375 et suivants du Code civil, seront renfermés dans des quartiers séparés des maisons d’arrêt, de justice ou de correction, où ils devront être soumis au régime cellulaire de jour et de nuit.
Les familles pourvoiront aux frais de nourriture et d’entretien de ces enfants, à moins que, pour cause d’indigence, le ministre n’en ait autorisé le payement sur le fonds des dépenses ordinaires de la prison, sur la proposition du préfet.
Art. 113. Ecrou.
II ne sera fait aucune mention, sur les registres de la prison, des noms des enfants détenus par voie de correction paternelle, ni des motifs de leur incarcération (Art. 378 du Code civil)
Il suffira au gardien, pour justifier au besoin île la légalité de la détention de l’enfant, d’exhiber à qui de droit l’ordre même d’arrestation délivre par le président du tribunal civil.
Art. 114. Jeunes filles.
A défaut de local spécial et convenable, les jeunes filles détenues par voie de correction paternelle pourront être renfermées dans des maisons de refuge et de charité autorisées à les recevoir.
§ 6. Règles particulières aux Détenus pour dettes.
Art. 115. Locaux séparés.
Dans les maisons qui ne leur sont pas exclusivement affectées, les détenus pour dettes occuperont des locaux séparés. Aucune communication ne leur sera permise avec les autres prisonniers.
Art. 116. Autres règles disciplinaires.
Le Règlement particulier de chaque prison déterminera les autres règles disciplinaires auxquelles seront soumis les débiteurs envers les particuliers ou envers l’Etat.