Quelque 13000 registres de parchemin recensent l’activité du Parlement de Paris qui fut la Cour de justice souveraine de la monarchie, durant cinq siècles et demi, du règne de saint Louis à celui de Louis XVI. Conservé aux Archives nationales où il fut transféré en 1847, cet ensemble immense et magnifique recèle notre histoire judiciaire et juridique dont l’étude permet d’appréhender en son temps la constitution progressive de l’État de droit monarchique, ainsi que la réalité et la spécificité de la vie sociale, politique, économique, intellectuelle et religieuse du royaume.

Mémoire écrite de la plus haute Cour de justice de l’Ancien Régime, ces archives recèlent un autre joyau, quasiment inconnu, qui se découvre au fil des registres : les initiales et lettrines ornées dont le greffier agrémente souvent, du Moyen Âge au début du XVIe siècle, la ou les premières lettres des arrêts qu’il transcrit. Les marges des registres du conseil sont aussi parfois dotées de croquis et de dessins censés attirer l’attention du lecteur vers certains actes jugés importants, alliance du texte et de l’image qui établit, par-delà les siècles, une transmission de l’information jusqu’à nous.

Ainsi la Cour de Parlement, tout en étant une source écrite de première main, se révèle aussi une source iconographique où il apparaît que les greffiers du Parlement s’inspiraient des modes et des thèmes lancés par la chancellerie royale pour décorer les chartes que le roi entendait mettre tout particulièrement en valeur. Le greffier du Parlement reprend les motifs iconographiques parfois immédiatement, le plus souvent avec un temps de retard, mais ils perdurent sous sa plume longtemps après que la chancellerie royale les a oubliés. Alliant symbolisme et esthétisme, ces décors témoignent ainsi de la circulation des idées et des styles entre les grandes institutions monarchiques.

Le Moyen Âge est une période faste pour l’image, omniprésente, qu’elle soit taillée dans la pierre, peinte en fresques ou enluminures ; ici, elle est dessinée à la plume et à l’encre par le greffier ou l’un de ses nombreux clercs. Le décor des initiales et des lettrines se pare souvent à partir du XIVe s. de masques hirsutes ou de profils grotesques, motif à la mode dès la fin du XIIIe s. à la chancellerie royale, de feuilles de lierre et de chêne, motif courant au XIVe s., de fleurs de lys, motif introduit dans le décor des chartes en 1304 par Philippe le Bel. Le bestiaire est familier, tel le poisson, introduit sous Jean le Bon, ou légendaire, tel le dragon utilisé pour la première fois sous Philippe VI et devenu emblème des rois Valois. Le XVIe siècle marque la fin de ce parcours et l’entrée dans une modernité moins sensible à l’image qui disparaît, au milieu du siècle, des registres du Parlement.

Remerciements : Institut d’Histoire du Droit (Professeur Olivier Descamps, directeur de l’IHD)

Université de Lille II (Professeur Louis de Carbonnières), Service commun de la documentation (Brigitte Mulette)

Archives nationales (Bruno Galland, directeur des publics, Ghislain Brunel, conservateur en chef du patrimoine)

Cette exposition est dédiée à la mémoire de Louis-Arthur Malnoy (1990-2011) qui a participé avec enthousiasme à la sélection des documents présentés ici.

Une exposition réalisée par Monique Morgat-Bonnet.

Lien vers l'Institut d'Histoire du Droit (UMR 7184) : http://www.ihd.cnrs.fr/

Lien vers la page personnelle de Monique Morgat-Bonnet : http://www.ihd.cnrs.fr/spip.php?article28

Edition en ligne : Jean-Lucien Sanchez