L'exécution de Buffet et Bontems (1972)

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
Couverture de L’Express, 4-10 décembre 1972 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616) Claude Buffet (1933-1972), auteur de multiples vols et agressions à main armée, est condamné par la cour d’assises de la Seine le 15 octobre 1970 à la réclusion criminelle à perpétuité pour avoir assassiné, suite à une tentative de vol, une jeune femme au Bois de Boulogne. Roger Bontems (1936-1972) a été condamné le 27 janvier 1965 par la cour d’assises de Meurthe-et-Moselle à vingt ans de réclusion criminelle pour avoir blessé grièvement le chauffeur de taxi qu’il avait agressé. Incarcérés à la centrale de Clairvaux (Aube), tous deux mettent au point un plan d’évasion. Le 21 septembre 1971, au matin, lors du petit-déjeuner, ils se plaignent de douleurs abdominales et se font conduire à l’infirmerie où ils prennent en otage, sous la menace de couteaux, trois personnes : un gardien, l’infirmière et un détenu. La télévision fait vivre en direct l’évolution des événements (voir le lien avec INA Archives pour tous). Quand la police donne l’assaut le lendemain matin, le gardien et l’infirmière sont retrouvés morts, la gorge tranchée par Buffet. Tous deux sont condamnés à mort par la cour d’assises de l’Aube, le 29 juin 1972. Robert Badinter, défenseur de Bontems - dont l’instruction démontre qu’il n’a pas tué - et l’avocat de Buffet demandent la grâce de leurs clients, qui est refusée par le président Pompidou. Buffet et Bontems sont guillotinés le 28 novembre 1972 à la prison de la Santé. Cette affaire marque le point de départ de la campagne abolitionniste menée par Robert Badinter : son ouvrage L’Exécution (1973) rend compte du procès des mutins de Clairvaux et de leur exécution. Pour en savoir plus : Voir la notice biographique de Roger Bontems sur l’encyclopédie libre Wikipédia et celle de Claude Buffet. Voir un extrait du journal télévisé de l’époque sur le site INA Archives pour tous : Avant sujet procès Buffet, JT 20H ORTF 24/06/1972 5m05s et la bibliographie sur le site Criminocorpus.

L’évolution des sondages : De 1969 à… 1972

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
Extrait de France-Soir, 18 octobre 1969 et 26-27 novembre 1972 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616) Le sondage de 1969 donne une majorité nettement favorable à l’abolition (58 %) : il a été réalisé au lendemain de 1’année 1968 qui inaugure une période de libéralisation des mœurs et alors qu’aucun crime sordide ne fait la une des journaux. Un précédent sondage, en 1962, donnait déjà une quasi majorité favorable à l’abolition. En 1972, le sondage de l’IFOP, réalisé lors du procès Buffet et Bontems, donne un résultat complètement inversé, 63 % des personnes interrogées se satisfaisant des articles existants du Code pénal, 27 % seulement se prononçant pour l’abolition. Les sondages sur cette question sensible évoluent en fonction des affaires criminelles traitées par les media. Il suffit qu’un crime odieux fasse la une des journaux télévisés et de la presse pour que l’opinion se prononce majoritairement contre l’abolition. Pour en savoir plus : Pour une évolution ultérieure de l’opinion, voir le graphique réalisé à partir des données des sondages réalisés depuis 1978 sur le site de la Sofres.

« La France a peur » (Roger Gicquel, TF1, 18 février 1976)

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
Extrait de La Gueule ouverte, 25 février 1976 et couverture du Point, mars 1976 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616) La formule devenue célèbre de Roger Gicquel au journal télévisé de TF1, est prononcée lors du crime commis par Patrick Henry (né en 1953) qui a enlevé à Troyes, le 30 janvier 1976, un enfant âgé de sept ans, Philippe Bertrand en exigeant une rançon d’un million de francs. L’enfant est étranglé, et son assassin, ayant caché le corps dans son appartement, cherche vainement à obtenir le versement de la rançon. Suspecté dans un premier temps par la police et placé en garde à vue, il est relâché : on le voit alors à la télévision affirmer que l’auteur d’un rapt d’enfant mérite la peine de mort. Il est arrêté le 17 février 1976 et la police découvre sur ses indications le cadavre de l’enfant à son hôtel. La formule du journaliste fait mouche car elle correspond au sentiment de révolte de l’opinion face au comportement cynique de Patrick Henry, paradant devant les caméras de télévision pour proclamer son innocence et justifier la peine de mort, alors qu’on apprend qu’il est bien l’auteur du crime. Dans les jours et mois suivants la presse se fait l’écho de cette émotion et du regain d’influence des partisans de la peine capitale : la guillotine est à nouveau convoquée, en caricature ou en couverture des hebdomadaires. Pour en savoir plus : Voir la notice biographique de Patrick Henry sur l’encyclopédie libre Wikipédia et sur le site INA Archives pour tous la présentation du journal télévisé par Roger Gicquel : La France a peur (Roger Gicquel), TF1, 18/02/1976.

Adversaires et partisans de la peine de mort : les associations

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
Extrait de France-Soir, 24 février 1976 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616) Le contexte de l’affaire Patrick Henry, dont on vient d’apprendre quelques jours auparavant qu’il est bien l’auteur de l’assassinat du petit Philippe Bertrand, rend particulièrement tendus les rapports entre la Ligue nationale contre le crime, pour la défense de la vie et pour l’application de la peine de mort – récemment créée, son intitulé fait significativement référence aux crimes contre les enfants qui scandalisent au plus profond l’opinion – et l’Association contre la peine de mort de Georgie Viennet. D’où les coups portés à la passionaria des abolitionnistes accusée de mener un train de vie somptuaire et gonfler les chiffres des pétitions en faveur de l’abolition. Chacun intervient au niveau de l’Élysée pour obtenir gain de cause. Le journal, dans sa conclusion évoquant les « photos d’innocents » s’inscrit dans le courant alors majoritaire de l’opinion hostile à l’abolition.

Pour ou contre en chansons


Je suis pour (Sardou), L’assassin assassiné (Julien Clerc) Les associations pour ou contre la peine capitale, recueillent, à l’occasion des périodes sensibles de leur combat, quand une condamnation à mort est prononcée, les signatures de personnalités, d’intellectuels et de vedettes du spectacle. Certaines s’investissent plus directement, c’est le cas, rappelé ici, de deux chanteurs, écrivant ou interprétant des textes militants. Michel Sardou dans son titre explicite « Je suis pour », prend position au lendemain de l’assassinat du petit Philippe Bertrand par Patrick Henry. Julien Clerc, dans L’assassin assassiné, évoque le dernier condamné à mort guillotiné. Pour en savoir plus : Pour entendre des extraits de ces chansons se reporter aux sites de Michel Sardou (Extrait sonore) et à celui de Julien Clerc (Extrait sonore)

Pour ou contre en chansons (suite)


Des grâces plus nombreuses

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
Extrait de France-Soir, 11 janvier 1977 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616) Alors le président Pompidou avait gracié tous les condamnés à mort pendant son mandat à l’exception remarquée de Buffet et Bontems, le président Valéry Giscard-d’Estaing se déclare hostile à la peine capitale, mais affirme que l’abolition doit se faire en accord avec l’évolution de l’opinion, se réservant de l’appliquer… « dans certains cas ». Il refusera la grâce dans trois cas seulement : Christian Ranucci (exécuté le 28 juillet 1976), Jérôme Carrein (exécuté le 25 juin 1977) et Hamida Djandoubi (10 septembre 1977). Pour en savoir plus :  voir sur l'encyclopédie libre Wikipédia "l'Affaire Christian Ranucci", la notice biographique de Jérôme Carrein et celle de Hamida Djanboudi.

Le dernier exécuté : Hamida Djandoubi (L’Aurore, 12 septembre 1977)

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
Extrait de L’Aurore, 12 septembre 1977 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616) Hamida Djandoubi (1949-1977), ouvrier sur les docks de Marseille perd une jambe suite à un accident de travail et sombre alors dans la délinquance. Le 3 juillet 1974, il torture et assassine sa maîtresse qui avait été à l’origine de son séjour en prison pour proxénétisme. Il est condamné à mort par la cour d’assises des Bouches-du-Rhône le 25 février 1977, la même cour qui avait condamné à mort Christian Ranucci en mars 1976. Il est guillotiné à la prison des Baumettes le 10 septembre 1977. Pour en savoir plus : Voir la notice biographique de Djandoubi sur l’encyclopédie libre de Wikipédia.

L’évolution de l’Eglise catholique (L’Aurore, 21 janvier 1978)

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
L’Aurore, 21 janvier 1978 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616) L’Église catholique commence à remettre progressivement en cause la peine capitale à partir des années 1950. Il semble que l’exécution de Jacques Fesch, devenu fervent catholique pendant son incarcération, ait contribué en partie à cette évolution. Jacques Fesch (1930-1957), condamné à mort par la cour d’assises de la Seine le 6 avril 1957, pour avoir abattu un policier lors d’une attaque à main armée dans la capitale, a été guillotiné le 1er octobre 1957. Ses Lettres de prison lui attirent la sympathie de l’opinion catholique qui évoquera bientôt avec ferveur le « guillotiné de Dieu ». La Commission sociale de l’épiscopat français se prononce au début de l’année 1978 contre la peine de mort. L’Aurore, favorable à celle-ci, prend soin de réduire la portée d’une telle prise de position, en soulignant que ce n’est pas un texte engageant l’Église, et en l’accompagnant d’un commentaire éloquent sur le sort des victimes.

Le procès de Patrick Henry : la peine de mort vaincue aux assises (France-Soir, 27 janvier 1977)

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
Extrait de France-Soir, 27 janvier 1977 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616) Le procès de Patrick Henry passionne l’opinion, comme tous ceux qui voient traduits aux assises les auteurs de crimes odieux commis sur des enfants. Dans ce genre de procès, la peine de mort est presque acquise dès le début. Et l’on a encore en mémoire, au début de 1977, la condamnation, pour ce même genre de crime, de Christian Ranucci devant les assises des Bouches-du-Rhône en mars 1976, alors même que pesait une incertitude sur sa culpabilité. Dans un climat de forte hostilité contre l’auteur de l’enlèvement et de l’assassinat du petit Philippe Bertrand, le procès de Patrick Henry a lieu les 19 et 20 janvier 1977 devant les assises de l’Aube. Il est défendu par Mes Bocquillon et Badinter. Ce dernier bâtit sa plaidoirie entièrement sur la question de la peine de mort. Compte tenu du climat de l’époque, et de l’enjeu qui dépasse le crime commis, la réponse des jurés de Troyes condamnant Patrick Henry à la réclusion criminelle à perpétuité, témoigne d’un courage certain et marque un tournant que souligne Robert Badinter dans l’interview accordée au journal. Ce dernier éprouve le besoin de faire part de réactions hostiles de ses lecteurs pour « équilibrer » la victoire remportée par les abolitionnistes. Pour en savoir plus : Voir la notice biographique de Patrick Henry de l’encyclopédie libre Wikipédia et celle de Christian Ranucci. Voir, sur le site INA Archives pour tous, les extraits de journaux télévisés sur les procès Ranucci et Patrick Henry ainsi que la réaction de Robert Badinter au verdict. Bibliographie sur le site de Criminocorpus : affaire Christian Ranucci, affaire Patrick Henry.

Le procès de Patrick Henry : la peine de mort vaincue aux assises (France-Soir, 27 janvier 1977) (suite)

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.

L’impossible débat parlementaire : l’amendement sur les crédits du bourreau

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
Extraits des journaux Libération, 25 octobre 1978 et Rouge, 25 octobre 1978 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616) En octobre 1978, Pierre Bas, député abolitionniste appartenant à la majorité de droite de la Chambre des députés dépose un amendement visant à supprimer les crédits du bourreau. La tactique pour abolir indirectement la peine de mort – en coupant les vivres à l’exécuteur… - est ancienne : elle avait été adoptée déjà en 1906 avant que le gouvernement de Clemenceau assume pleinement ses responsabilités en décidant un vote solennel à l’issue d’un débat à la Chambre. Sous la Cinquième République, les droits des parlementaires sont limités et la tentative de Pierre Bas, soutenue par la gauche est, comme les précédentes du même genre, vouée à l’échec. Le ministre de la Justice, Alain Peyrefitte demandera un vote bloqué sur son budget, ce qui va empêcher toute discussion sur l’amendement. Comme l’écrira le journal Libération au lendemain de cette décision gouvernementale, « c’est petit, mais c’est efficace » (Libération, 26 octobre 1978).

Le débat sans vote de 1979 (L’Aurore, 15 juin 1979)

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
Extrait de L’Aurore, 15 juin 1979 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616) Face à la pression des abolitionnistes qui augmentent le nombre de leurs partisans au sein de la majorité parlementaire de droite, le ministre de la Justice Alain Peyrefitte accepte un débat d’orientation sur la peine de mort à l’Assemblée nationale, mais sans … vote. Le « débat » d’octobre 1979 n’a en fait pas lieu, le garde des sceaux plaidant en faveur d’une abrogation progressive et d’une peine de remplacement sévère devant un auditoire des plus clairsemé, les parlementaires ne voyant pas l’intérêt de participer à une discussion sans vote.

Les derniers condamnés à mort (Le Parisien, 5 janvier 1981)

Source : Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616.
Extrait de Le Parisien, 5 janvier 1981 (Archives de la préfecture de police de Paris, DB/616)Le Parisien publie les résultats d’un sondage de la Sofres constatant que les Français sont favorables, avec un taux record, au maintien de la peine de mort au début de l’année 1981, alors que quatre condamnés à mort sont en attente d’une grâce présidentielle. Le sondage précisant également que l’opinion souhaite un véritable débat au Parlement sur la question, et qu’il faut attendre, pour prendre une décision à leur égard, l’issue de ce débat, les pouvoirs publics préfèrent temporiser jusqu’à l’élection présidentielle du printemps. La victoire électorale de la gauche, alors même que François Mitterrand s’était engagé durant la campagne électorale à utiliser son droit de grâce et à abolir la peine de mort, scelle le sort des derniers condamnés à mort. Ils seront graciés par le nouveau président de la République, le dernier à l’être étant Philippe Maurice. Sa peine commuée en réclusion criminelle à perpétuité, il passe son bac, entreprend des études universitaires et devient docteur en histoire en soutenant à l’Université de Tours en décembre 1995 une thèse sur « la famille du Gévaudan au XVe siècle ». Reconnu comme un de meilleurs spécialistes d’histoire médiévale, il obtient sa semi-liberté à l’automne 1999 puis sa libération conditionnelle l’année suivante. Chargé de recherche à l’EHESS, il milite aujourd’hui pour l’abolition de la peine de mort. On trouvera l’évocation de son parcours dans son ouvrage De la haine à la vie (Paris, 2001), parcours qui donne raison à toutes grandes voix abolitionnistes – comme celles de Jaurès ou l’abbé Lemire en 1908, de Robert Badinter lors du débat de 1981 - refusant la fatalité et ne désespérant jamais de l’homme et de sa capacité à retrouver sa place dans la société, même si l’organisation actuelle de la prison constitue plutôt un obstacle qu’une aide pour aller dans ce sens. Jean-Luc Rivière, condamné à mort en 1980, est toujours incarcéré. La France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour son maintien en détention alors qu’il souffre de problèmes mentaux et présente des risques suicidaires (dépêche Reuters, 11 juillet 2006). Mohamed Chara, qui a toujours proclamé son innocence, est décédé en prison le 29 décembre 1991. Pour en savoir plus : Voir le n° 116 de la revue de la Ligue des droits de l’homme, Hommes et Libertés consacré à la peine de mort avec le compte-rendu et quelques extraits du livre de Philippe Maurice et la notice biographique de Philippe Maurice sur l’encyclopédie libre Wikipédia.

Robert Badinter : contre une justice d’élimination

Source : Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1138-1143.
Extrait du discours de Robert Badinter, garde des sceaux, Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1138-1143. Né en 1928, Robert Badinter, avocat, professeur de droit, a joué un rôle déterminant dans l’abolition de la peine de mort en France. Marqué par l’exécution de Bontems (1972) dont il était l’avocat, alors que son client n’était que complice dans l’assassinat de l’infirmière et du gardien lors de la prise d’otages de la centrale de Clairvaux, il mène à partir de ce moment son combat contre la peine capitale, en publiant le récit de l’affaire (L’Exécution), puis en se chargeant de la défense des criminels risquant un verdict de mort. Dans le procès de Patrick Henry, sa plaidoirie fait le procès de la peine capitale et sa force de conviction emporte la décision du jury. Prenant part aux campagnes présidentielles de François Mitterrand (1974 et 1981), ministre de la Justice du 23 juin 1981 au 18 février 1986, il est l’artisan majeur de l’abolition, en imposant un débat rapide, dans la foulée de la victoire de la gauche, débat portant sur le fond de la question et évitant de se laisser piéger par une longue discussion sur une éventuelle peine de remplacement. Son discours à l’Assemblée nationale rassemble les principaux arguments connus des abolitionnistes. Il s’affirme contre une justice d’élimination, les partisans du maintien de la guillotine arguant qu’elle préserve de la récidive des grands criminels. Or il s’avère que les criminels exécutés appartiennent, aux Etats-Unis comme en France, aux couches défavorisées et opprimées : à l’horizon de la peine de mort, il y a une forme de racisme, de rejet du quart-monde (étrangers, ouvriers manuels, chômeurs) auquel appartiennent la plupart des condamnés. D’autre part, la justice est faillible, elle devient une loterie quand la peine capitale se fait rare, et l’on ne peut pas désespérer de l’homme, du coupable auquel il faut laisser la possibilité de se racheter et de se réinsérer dans une société qui bien souvent l’avait exclu. En voulant une justice fondée sur « la raison et l’humanité », Robert Badinter s’inscrit dans le courant des Lumières qui inspirait déjà le rapport de Lepeletier de Saint-Fargeau et le discours de Jaurès. Pour en savoir plus : Voir la notice biographique de Robert Badinter sur l’encyclopédie libre Wikipédia. Lire le texte complet du discours sur Criminocorpus : Peine de mort. Débat parlementaire de 1981. Pour écouter un extrait du discours de Robert Badinter, voir le site INA Archives pour tous : Discours de Robert Badinter, « la valeur dissuasive de la peine de mort », en direct de l’Assemblée Nationale, FR3 17/09/1981. Écouter la conférence de Robert Badinter du 12 mars 2002 à l’ENS, L’abolition de la peine de mort. L’histoire d’un combat, sur le site Diffusion des savoirs de l’Ecole normale supérieure et la bibliographie de Robert Badinter sur le site Criminocorpus.

Robert Badinter : contre une justice d’élimination (suite)

Source : Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1138-1143.

Robert Badinter : les raisons du retard français

Source : Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1138-1143.
Extrait du discours de Robert Badinter, garde des sceaux, Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1138-1143. Comme pour nombre d’intervenants socialistes, le garde des sceaux rappelle le long combat de deux siècles pour l’abolition, et propose, derrière la satisfaction de placer enfin la France au rang de nations européennes qui ont depuis longtemps franchi le pas, une explication au retard français en ce domaine. Il y voit essentiellement une origine politique : le combat pour l’abolition a été porté en France par les forces de gauche, d’une gauche radicale qui n’a été au pouvoir que pendant des périodes très courtes, et souvent dans des phases de tensions et de crises (comme à la Libération) qui ne permettaient pas d’envisager la suppression de la guillotine. Cette explication d’ordre politique invite à réfléchir à la spécificité d’une histoire française, marquée, pendant longtemps, par de nombreux épisodes révolutionnaires qui ont fait considérer la guillotine comme une « arme politique » par les pouvoirs établis. Pour en savoir plus : Lire le texte complet du discours sur Criminocorpus : Peine de mort. Débat parlementaire de 1981.

Pascal Clément : justifier la question préalable

Source : Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1144-1145.
Extrait du discours de Pascal Clément, Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1144-1145. Pascal Clément, né en 1945, avocat, est député de la Loire depuis 1978, siégeant sur les bancs l’Union pour la démpcratie française (UDF). Il défend la question préalable en considérant que l’on veut forcer la main des députés en empêchant un débat devant l’ensemble de l’opinion. C’est pourquoi il propose d’en appeler au peuple français par voie de referendum, y compris en amendant la Constitution pour autoriser une telle consultation. Il justifie également le dépôt de la question préalable par l’absence de peine de remplacement. Tout en rendant hommage aux motivations des abolitionnistes et en affirmant comprendre leur volonté généreuse de vouloir préserver la vie et de permettre l’amendement du coupable, il renvoie à « la réalité », celle du crime et d’une société qui veut être « prémunie contre la violence ». Prenant le parti des victimes, il affirme que la société « a le droit de donner la mort pour se défendre ». Pour en savoir plus : Voir la notice biographique de Pascal Clément sur l’encyclopédie libre Wikipédia. Lire le texte complet du discours sur Criminocorpus : Peine de mort. Débat parlementaire de 1981.

Pascal Clément : justifier la question préalable (suite)

Source : Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1144-1145.

Philippe Séguin : la question de la peine de remplacement

Source : Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1145-1147.
Extrait du discours de Philippe Séguin, Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1145-1147. Philippe Séguin, né en 1943, haut fonctionnaire, est premier ministre en 1977-1978. Député des Vosges, il est, en 1981, après l’élection présidentielle, une des personnalités de la droite (RPR, Rassemblement pour la République) qui défend avec le plus de conviction l’abolition de la peine capitale. Tout son discours vise à garantir la pérennité d’une telle décision en suggérant de dissiper au mieux les craintes d’une opinion majoritairement hostile, soit par l’adoption d’une peine de remplacement, soit, à défaut, en mettant sur pied au plus une réforme de l’exécution des peines et permette de lutter efficacement contre la récidive. Conscient de la volonté du garde des sceaux de préserver le caractère symbolique du projet, il se dit prêt « en tout état de cause » à le voter, et il retirera d’ailleurs ses amendements en ce sens. Pour en savoir plus : Notice biographique de Philippe Seguin sur l’encyclopédie libre Wikipédia. Lire le texte complet du discours sur Criminocorpus : Peine de mort. Débat parlementaire de 1981.

Philippe Séguin : la question de la peine de remplacement (suite)

Source : Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1145-1147.

Philippe Marchand : nous sommes fiers pour le socialisme et la France

Source : Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1148-1150.
Extrait du discours de Philippe Marchand, au nom du groupe parlementaire socialiste, Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1148-1150. Philippe Marchand, né en 1939, est député de la Charente-Maritime depuis 1978. Les intervenants du parti socialiste, majoritaires à l’Assemblée nationale, sont nombreux, et pour une part, conscients d’être répétitifs. Au nom du groupe socialiste, Philippe Marchand se félicite que son parti soit à l’origine d’un grand moment d’histoire, mettant un terme à la loi du talion, après les longs combats des abolitionnistes dont il rappelle qu’ils ont rassemblé, les dernières années, au-delà de la gauche, en rendant hommage aux autorités religieuses et aux organisations de défense des droits de l’homme. Pour en savoir plus : Lire le texte complet du discours sur Criminocorpus : Peine de mort. Débat parlementaire de 1981.

Colette Gœuriot : faire triompher la cause de l’humanité

Source : Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1156-1157.
Extrait du discours de Colette Goeuriot (groupe communiste), Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1156-1157. Colette Goeuriot, née en 1939, est députée communiste de Meurthe-et-Moselle depuis 1978. Colette Goeuriot, au nom du groupe communiste, inscrit le vote de son parti dans la tradition humaniste de l’histoire française en se référant aux grandes voix ayant porté le combat de l’abolition en défendant « la cause de l’humanité ». Rappelant les propositions anciennes des communistes en faveur de l’abolition, elle relie la position de son parti à une question de principe : il n’y a pas de criminels nés et c’est en changeant les rapports sociaux dans le sens d’une société plus juste, vers plus de liberté et de responsabilité, que réside une lutte efficace contre la criminalité. Alors que la peine de mort est à l’image d’une société qui nie le progrès et refuse de reconnaître en tout homme, même criminel, une part d’humanité qu’il faut « élargir, approfondir, améliorer ». Pour en savoir plus : Lire le texte complet du discours sur Criminocorpus : Peine de mort. Débat parlementaire de 1981.

Colette Gœuriot : faire triompher la cause de l’humanité (suite)

Source : Journal officiel, séance du 17 septembre 1981, p. 1156-1157.

L'abolition : la loi du 9 octobre 1981

Source : Journal officiel, 10 octobre 1981, p. 2759.
Loi n° 81-908 du 9 octobre 1981 portant abolition de la peine de mort (Journal officiel, 10 octobre 1981, p. 2759) La Chambre des députés vote l’abolition le 18 septembre 1981 par 363 voix contre 117, la majorité absolue étant de 241 voix. Le Sénat fait de même douze jours plus tard (débat du 28 au 30 septembre) à la majorité de 160 voix contre 126 La loi portant abolition de la peine de mort est publiée au Journal officiel le 10 octobre 1981. Depuis, plusieurs propositions de loi émanant de quelques députés de droite ont été déposées pour demander le rétablissement de la peine capitale pour les crimes les plus graves. Pour en savoir plus : La peine de mort reste en vigueur, inscrite dans les codes et toujours appliquée, dans un grand nombre de pays. Consulter le site d’Amnesty International.