Premières vicissitudes, premiers ajustements. J. Caildrau, La prison de la Santé. Vue générale.
Source : L’Illustration, 23 avril 1870, p. 288.
La prison moderne de la rue de la Santé achève à peine sa troisième année de fonctionnement, lorsqu’éclate la guerre franco-prussienne le 19 juillet 1870. Elle se retrouve alors prise, avec les autres établissements pénitentiaires parisiens, dans la tourmente de « l’année terrible ».
Des obus touchent la prison dans la nuit du 8 au 9 janvier. Les prisonniers de guerre, 800 soldats prussiens jusque là détenus à la Grande Roquette, y sont immédiatement transférés en guise de représailles. L’armistice du 28 janvier provoque la colère du peuple parisien et lorsque le gouvernement d’Adolphe Thiers entreprend de désarmer la capitale le 18 mars, c’est l’insurrection. Thiers quitte Paris pour Versailles. La Commune de Paris est proclamée.
Comme les autres établissements parisiens, la prison de la Santé se remplit progressivement d'otages : commissaires et inspecteurs de police, gendarmes, curés... Tandis que les troupes versaillaises entrent dans Paris le 21 mai, ordre est donné le 22 aux directeurs des prisons parisiennes de procéder à l'exécution des otages en cas de défaite de la Commune. La Santé échappe aux massacres de la « Semaine Sanglante », en grande partie grâce à la temporisation des gardiens. Elle n'est épargnée cependant ni par les tirs de fusil provenant des barricades aménagées le 23 mai aux extrémités de la rue, ni par les bombardements des Fédérés qui luttent depuis la Butte-aux-Cailles et dirigent le feu nourri de leurs batteries.
Les institutions départementales rétablies, c'est l'heure de l'état des lieux. La Santé, qui n'a pas quatre ans d'existence, est le plus endommagé de tous les établissements pénitentiaires parisiens. La remise en état s'effectue entre 1871 et 1873.
Premières vicissitudes, premiers ajustements. Paris. La nouvelle prison de la rue de la Santé, système cellulaire mixte, vers 1866.
Source : CMVP_Casier archéologique - Dossier 14° 20.
Concernant le nombre de prisonniers accueillis, la statistique pénitentiaire indique que la prison de la Santé arrive assez rapidement à saturation. Elle compte déjà 800 détenus en septembre 1870 et la capacité maximale de 1 000 prisonniers est dépassée dès 1873 avec 1 101 individus comptabilisés au 31 décembre. Dans les années qui suivent, l’effectif retombe rarement en dessous de 1 000, atteignant même 1 200 à 1 300 détenus entre 1884 et 1888.
Quant au personnel de surveillance, il double sur la même période : porté en 1870 à dix-huit gardiens ou brigadiers, à une vingtaine quelques mois plus tard, il se compose entre 1875 et 1895 de 40 gardiens, deux sous-brigadiers et un brigadier.
L'Infirmerie centrale des prisons de la Seine (1873-1896). Hippolyte Auguste Collard, Prison de la Santé. Hôpital central des prisons de la Seine, 1878.
Source : Collection privée Philippe Zoummeroff.
La menace d’une épidémie scorbutique décide l’administration à créer en 1871 une « infirmerie centrale » dans les murs de Sainte-Pélagie. Mais la défectuosité, l’encombrement et l’insalubrité de la vieille prison des politiques s’opposent néanmoins au maintien sur place du service qui est transféré à la prison de la Santé dans le courant de l’année 1873.
L’opération porte sur le bâtiment de liaison entre le quartier cellulaire et le quartier commun et consiste, assez habilement, à loger l’infirmerie centrale dans les locaux mêmes de l’infirmerie spéciale, cette dernière étant alors transférée un niveau au dessus grâce à la création d’un nouvel étage obtenu par l’exhaussement des combles.
L'Infirmerie centrale des prisons de la Seine (1873-1896). Prison de Fresnes, galerie divisionnaire avec entrée des cabines, 1913.
Source : Agence Rol, Gallica.
Après une quinzaine d’années d’utilisation, l’opinion concernant la disposition de l’infirmerie centrale des prisons de la Seine évolue. La centralité du service, qui avait d’abord été perçue comme un avantage en terme d’accessibilité, est désormais jugée problématique du point de vue de l’hygiène et du risque de propagation des maladies. Un bâtiment indépendant, totalement isolé de la détention, serait préférable et le Conseil d’hygiène publique et de salubrité repère en 1889 un terrain à proximité de la prison de Mazas. Mais déjà la solution la meilleure dans l’esprit du conseil général reste la création d’un véritable hôpital-prison au-delà des fortifications de Paris. La réflexion lancée à partir de 1892 autour du projet de construction extra-muros d’un nouvel établissement à Fresnes-lès-Rungis lui en donne l’opportunité. Le transfert est décidé en 1894 mais n’intervient qu’à la fin de l’année 1898.
L'Ecole supérieure pénitentiaire (1893-1903). Fresnes, Ecole pénitentiaire, bâtiment, groupe et cour de l'Ecole pénitentiaire supérieure, vers 1928-1932.
Source : Henri Manuel, DAP.
Les premières « écoles pénitentiaires » officielles de la région parisienne sont créées à Melun, en 1887, pour la formation au travail en maison centrale, puis à la Santé, deux ans plus tard, pour le travail avec les courtes peines.
L'Ecole supérieure pénitentiaire (1893-1903). Fresnes, Ecole pénitentiaire, autorités pénitentiaires et élèves surveillants, vers 1928-1932.
Source : Henri Manuel, DAP.
Un arrêté en date du 19 août 1893 rend obligatoire la mise en place d’une école élémentaire de gardiens auprès de chaque maison centrale, bagne agricole et grande prison départementale, école dont il fournit le programme et l’emploi du temps. Un second arrêté également daté du 19 août 1893 crée par ailleurs une Ecole pénitentiaire supérieure que l’administration décide d’installer à Paris, précisément à la prison de la Santé.
L’Ecole pénitentiaire supérieure est inaugurée le 16 octobre 1893. Il ne s’agit plus pour la Santé de procéder en interne à la formation de son propre personnel mais de recevoir en stage « les agents de garde et de surveillance désignés comme les meilleurs par les directeurs de circonscriptions ». Malgré des débuts prometteurs, l’Ecole supérieure pénitentiaire de la prison de la Santé devra fermer ses portes en 1903, faute de budget et de personnel et il faudra attendre 1927 pour voir une Ecole pénitentiaire supérieure s’installer aux prisons de Fresnes.