Une occasion de poursuivre l'expérience cellulaire. Émile Vaudremer, Parallèle des principales prisons modernes. Systèmes d'emprisonnement séparés, en commun et mixtes.
Source : Croquis d'Architecture – Intime club, n° II, juin 1870, feuille 3.
C'est le 3 novembre 1851 que la Commission départementale faisant fonction de Conseil général de la Seine entreprend de lancer « les études nécessaires pour arriver à la construction d'une nouvelle maison cellulaire destinée à renfermer les détenus à la charge du département de la Seine qui ne peuvent trouver place à la nouvelle prison Mazas ». Ce dernier établissement, inauguré l'année précédente le 19 mai 1850, est le premier de son espèce. Conçu comme une expérience, un modèle, il répond en tous points aux vœux de la circulaire Duchâtel qui impose le principe d'isolement cellulaire absolu, de type pennsylvanien, pour la construction des édifices pénitentiaires. Après un peu plus d'un an de fonctionnement, il remplit toutes les espérances du Département convaincu, lui aussi, de la supériorité de ce système qui doit empêcher la prison de devenir « une école mutuelle de vice et de corruption ».
La future Santé sera donc cellulaire.
Texte original coin gauche bas : "Une nécessité de remplacer la prison des Madelonnettes. Prison des Magdelonnetes devenue maison d'arret sous la tirannie de Roberspiere l'an 1794 2.eme de la Rep. franc."
Source : Gallica.
Avec la nomination de Georges Eugène Haussmann (1809-1891) comme préfet de la Seine en 1853, le projet de construction d’une nouvelle maison d’arrêt cellulaire pour hommes se précise. Car le lancement de la politique de grands travaux du célèbre baron n’est pas sans conséquence sur les prisons de la Seine. La modernisation du Paris du Second Empire passe en effet par la création de grands axes de communication à travers le tissu urbain ancien de la capitale, les fameuses « percées haussmanniennes ». Or, la prison des Madelonnettes se trouve sur le tracé de la voie qui doit venir relier les halles au faubourg du Temple, ce qui lui vaut d’être frappée d’expropriation par le décret du 23 août 1858 déclarant d’utilité publique l’ouverture de la rue de Turbigo.
Cette décision, prise dès 1855, est en réalité une opportunité pour le Département de la Seine de se donner enfin les moyens de reconstruire un bâtiment jugé, depuis quelques temps déjà, vétuste, insalubre, impossible à adapter aux nouvelles prescriptions ministérielles et surtout trop exigu.
Une implantation en périphérie urbaine. Charles Marville, Prison de la Santé. Vue depuis l’Observatoire, s.d. [1867- 1869].
Source : Charles Marville/Bibliothèque Historique de la Ville de Paris/Roger-Viollet.
Le choix de l’administration s’est vraisemblablement assez vite porté en 1861 sur un vaste terrain trapézoïdal de 25 053 m² situé dans le sud de la capitale, non loin de l’Observatoire et de ses jardins et à proximité immédiate du boulevard Saint-Jacques, l’un de ces « boulevards extérieurs » qui ne le sont plus depuis peu, suite à l’annexion en 1860 des faubourgs de Paris situés entre le mur des fermiers généraux et l’enceinte de Thiers.
Une implantation en périphérie urbaine. Ambroise Tardieu, Plan de Paris en 1838 avec le tracé de ses anciennes enceintes, Paris, Furne et Cie Editeurs, 1838.
Source : Gallica.
Le terrain choisi, appelé « enclos de la Santé » et accessible par la rue du même nom, correspond justement à la première implantation de la Maison de Santé établie au XIIIe siècle pour les pestiférés par Marguerite de Provence, veuve de Saint Louis. Également connu sous le nom de « clos de la Charbonnerie » en raison de la présence d’un marché aux charbons dans les années 1830-1840, il est essentiellement composé de jardins et sert en 1860 de simple dépôt de matériaux. La parcelle est donc libre de toute construction, elle a en outre l’avantage d’appartenir à la Ville de Paris.
Une implantation en périphérie urbaine. Charles Marville, Prison de la Santé. Vue générale avec le boulevard Arago en construction [1867-1869].
Source : Charles Marville/Bibliothèque Historique de la Ville de Paris/Roger-Viollet.
La présence toute proche de la caserne de la rue de Lourcine (actuelle rue Broca) est une garantie pour la sécurité de l’établissement dont l’isolement sera par ailleurs facile à obtenir. Le terrain est d’ores et déjà borné à l’Est par la rue de la Santé et au Sud par la rue de Biron (actuelle rue Jean Dolent). Un boulevard – le futur boulevard Arago – alors en cours d’aménagement au titre des ouvertures de voies nouvelles prévues par le baron Haussmann, en constituera bientôt la limite nord. La superficie de la parcelle est enfin suffisante pour permettre la création à l’ouest d’une quatrième voie (actuelle rue Messier) qui viendra isoler définitivement l'édifice.
Une implantation en périphérie urbaine. Plan de Paris, Paris, Impr. Lemercier, 1854.
Source : Gallica.
Toujours dans le cadre des travaux urbains du Second Empire, l’achèvement du boulevard de Sébastopol permettra une liaison facile et rapide de la nouvelle maison d’arrêt avec le Palais de Justice et la préfecture de police.