Le Petit journal qui relate au plus près son déroulement du procès tente de gommer la relation amoureuse entretenue par les deux amants : mais comment alors évoquer l’homosexualité tout en l’éludant ? Le journaliste emploie l’expression « amitié exagérée », Jadot est décrit comme un « vicieux », « rempli de mauvais instincts » et « pourri de vice ». Enfin, on a prévenu Monsieur Jobard des « relations intimes » qui existaient entre son fils et Jadot qui est un individu qui « a des goûts infâmes ». Jamais le vocabulaire utilisé n’évoque ainsi frontalement l’homosexualité entre les deux jeunes gens.
À la seule lecture du Petit journal, on pourrait croire à la version tant souhaitée par les deux familles : un jeune homme dérangé, abusant de la cocaïne et qui se venge sur le fils de la famille pour avoir été éconduit quand il a demandé la main de la fille ainée. Toujours dans Le Petit journal, les témoins parlent : c’est un certain Monsieur Roux qui dit avoir été surpris de la relation entretenue entre Eugène et Marcel. Depuis longtemps, il avait prévenu Monsieur Jobard que Marcel Jadot n’était pas un garçon fréquentable. Mais Monsieur Jobard lui aurait alors répondu : « c’est une âme à sauver, je veux essayer ». Entre propos lénifiants et périphrases, aucun des articles du Petit journal n’énonce clairement le motif même du drame. Ce n’est qu’une famille modèle qui s’ouvre à un être malfaisant, pas un instant le drame passionnel, le vrai, n’est évoqué clairement.
Le Petit Parisien est plus explicite : « Jadot avoue son infamie, mais invoque, pour son crime, comme pour ses mœurs ignobles, l’excuse de la passion ». Si le motif du crime est ici évoqué, il ne s’agit toutefois que des mœurs ignobles et la passion n’est qu’un prétexte. Le journal prétend même que sur son lit de mort Eugène aurait déclaré : « il a voulu se livrer sur moi à certaines pratiques. Je m’y suis refusé ». Au président qui lui demande : « pourquoi aviez-vous inculqué à Eugène des habitudes fâcheuses ? », Jadot répond « parce que je l’aimais ». Pour Le Petit Parisien, « Eugène Jobard n’était pas un vicieux, jusqu’au jour où le hasard avait mis Jadot sur sa route ».