7. Expansion médiatique du polar

Plan du chapitre

L’H Confidencial

Avec la chute du franquisme en Espagne, la fin des années de plomb en Italie et l’arrivée de la gauche au pouvoir en France sous la présidence de Mitterrand, les années 1980 marquent un tournant en Europe et annoncent l’affaiblissement des grandes utopies révolutionnaires. À la suite du néo-polar français, une européenne du roman noir de gauche se cristallise autour de festivals comme la Semana Negra de Gijón où se rencontrent de nombreux auteurs européens et internationaux liés par les mêmes valeurs progressistes. Le roman noir reste le lieu d’une critique sociale et historique des travers des grandes démocraties européennes. Mais il s’ouvre aussi à des formes plus ludiques, comme le polar historique, le thriller ésotérique ou le polar postmoderne, témoignant d’une fragmentation du genre.

Kommisar Dupin

Concurrencées par la télévision, les collections de romans populaires déclinent. Avec des séries mettant en scène des figures nationales de « commissaires » emblématiques, de Navarro à Montalbano, c’est désormais de plus en plus sur le petit écran qu’on retrouve les héros des productions populaires. Avec la chute du Mur de Berlin en 1989, les circulations culturelles s’intensifient comme en témoignent les coproductions européennes telles que les séries Eurocops/Euroflics ou Rex, chien flic ainsi que la déferlante des séries télévisées policières allemandes sur les postes cathodiques français. Parallèlement à cette dissémination médiatique, on assiste à un processus de légitimation du récit criminel, qui quitte le ghetto de la littérature populaire pour bénéficier progressivement d’une forme de reconnaissance publique dont témoigne la création de nombreux festivals, de prix ou d’une institution comme la BiLiPo.

Alain Corneau, Série noire

Légitimation
A partir des années 1960, s’engage un important mouvement de légitimation du genre, qui va s’accélérer dans les années 1980. Ainsi, les lectures contre-culturelles du polar (Jean-Patrick Manchette), la littérarisation de ses procédés (Leonardo Sciascia, Friedrich Dürrenmatt) et l’exploitation à des fins ludiques et postmodernes de ses conventions (Umberto Eco, Jean Echenoz) sont quelques-uns des phénomènes qui témoignent de cette fragmentation des frontières entre culture légitime et culture populaire qui caractérise notre société contemporaine.