Tout au long du 19e siècle, après chaque révolution et changement de régime, l’expérience révolutionnaire est convoquée pour inspirer une nouvelle réforme de la justice. Pourtant, la justice contemporaine repose toujours sur ses fondations napoléoniennes. Sans doute quelques innovations révolutionnaires sont restées, comme le juge de paix jusqu'à sa suppression en 1958, ou le jury criminel maintenu jusqu'à nos jours. Mais tout ce qui faisait l’originalité de la justice élaborée par la Constituante - élection des juges, participation des citoyens au règlement des conflits comme au procès pénal, procédure pénale accusatoire - a disparu rapidement, remis en cause dès la Directoire et supprimé lors de la réforme consulaire et impériale qui fonde une justice étatique, hiérarchisée et centralisée, limitant les garanties protégeant les droits des prévenus et accusés.
Cette justice pénale, qui peut arguer de ses deux siècles d’existence, connaît pourtant des dysfonctionnements. Qu’en est-il de la liberté des citoyens quand les prévenus doivent attendre parfois plusieurs années en prison leur procès ? La longueur actuelle de la détention provisoire est sans commune mesure avec le délai maximum de 20 jours entre l’arrestation et le jugement qu’imposait la Constituante. Périodiquement, l’innocence d’accusés est mise à mal dans des affaires suscitant l'émoi et l'émotion, à l'égal des “scandales judiciaires” de la fin de l’Ancien Régime.
Est-ce à dire que les principes de la justice pénale révolutionnaire peuvent inspirer la réforme de la procédure pénale contemporaine ? La réponse n’appartient pas à l’historien. Il lui revient de retracer l’histoire de cette justice pénale au-delà des tribunaux révolutionnaires - juridictions d’exception qui ont le plus souvent retenu l’attention -, en étudiant son élaboration dans les débats contemporains, à la Constituante et ailleurs, et en examinant sa pratique à travers les contentieux qu’elle a traité et les jugements qu’elle a rendus. Au premier chef, les textes normatifs, les discours d’installation des nouveaux tribunaux (document commenté) comme les rapports présentés à la Constituante (document complémentaire) donnent à voir les conceptions de la justice pénale des principaux acteurs de la Révolution. Au second, la documentation ordinaire, présente dans les fonds des Tribunaux criminels (jugements, dossiers de procédure) est indispensable pour prendre la mesure de l’adéquation ou non des principes de 1789 aux réalités imposées par la lutte contre le crime dans le contexte troublé de la dernière décennie du XVIIIe siècle.
- A voir également, sur le site, l’exposition virtuelle "La Révolution à la poursuite du crime ! Le justiciable devant les tribunaux criminels à Paris. 1790-1792", réalisée par les Archives nationales.