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Plume de greffier. La Lettre et l'Image dans les archives du Parlement de Paris

La galerie du Parlement

Monique Morgat-Bonnet

La galerie du Parlement à l’Hôtel Soubise des Archives nationales

Source : Monique Morgat-Bonnet

Une mise en scène archivistique

Un lieu de mémoire et d’histoire de l’Ancien Régime

Ces deux clichés permettent d’apprécier l’importance du fonds des archives du Parlement de Paris, mais aussi la majesté et la beauté du lieu de sa conservation aux Archives nationales.

Cette forteresse de 13000 registres manuscrits et de 5 millions d’actes environ nous domine et défie nos faibles moyens humains. Elle a été édifiée à partir du règne de saint Louis par le travail savant et minutieux des greffiers de la Cour et de leurs clercs. Le premier greffier connu, qualifié de « clerc des arrêts » est Jean de Montluçon ; vers 1260 il décide (ou la cour lui demande) de copier le contenu des encombrants rouleaux de parchemin qui s’entassent dans sa petite tournelle, sur des cahiers de parchemin plus maniables et faciles à consulter ; ces cahiers cousus ensemble sont ensuite reliés pour constituer des registres. C’est le début de la conservation des archives judiciaires du royaume constituées des plaidoiries des avocats, des délibérations et des arrêts rendus par la Cour souveraine. Les 4 premiers registres (1254-1319) portent le nom d’ Olim par référence à ce mot qui débute l’un de ces registres ; ils ont été édités au XIXe siècle par le comte Beugnot. Olim est un mot latin qui signifie « un jour », « autrefois », et il est devenu au fil du temps un terme générique désignant ces 4 plus anciens registres, ainsi identifiés comme étant le creuset d’où vont émerger les futures séries d’Arrêts, de Lettres, de Jugés, d’Ordonnances.

Le support de ces écritures est le parchemin, en peau de mouton ; l’encre végétale a résisté au passage du temps ; l’écriture est une cursive avec des abréviations. Si les plaidoiries sont rédigées en français, les arrêts le sont en latin jusqu’à l’ordonnance de Villers-Cotterêts prise par François Ier en 1539 qui prescrit désormais l’usage du français pour tous les actes officiels du royaume.

À l’origine, ces registres ont été entreposés dans le lieu même de leur production, le Palais royal de la Cité, progressivement entassés dans la tournelle du greffier. Ils ont été heureusement épargnés par le violent incendie de 1618 qui a, par contre, détruit toutes les minutes du Moyen Âge. À partir de la fin du XVe siècle, l’augmentation exponentielle du nombre des affaires soumises à la Cour accroît considérablement le nombre des registres de transcription. Débordant des deux tournelles mises à la disposition du greffier, ils deviennent inaccessibles et inutilisables. Une opération de sauvetage est alors entreprise par le procureur général du roi Guillaume-François Joly de Fleury qui obtient du roi les fonds nécessaires aux travaux d’aménagement. Les registres sont alors transportés au-dessus de l’un des berceaux de la Grand Salle du palais en 1733 où ils sont rangés sur des tablettes. À la Révolution, ils sont épargnés par les triages révolutionnaires qui ont éliminé surtout des pièces de procédure. En 1790, un décret crée les Archives nationales qui deviennent Archives de l’Empire en 1804 ; en 1808 l’État acquiert les Hôtels de Soubise et de Rohan. À la Restauration, les Archives deviennent « royales » et on décide la conservation des archives anciennes et des papiers des administrations vivantes ; Louis-Philippe fait édifier pour les archives du Parlement une aile supplémentaire comportant une vaste salle agrémentée d’une voûte romane pour accueillir cette mémoire du droit engrangée par la plus haute cour de l’Ancien Régime. En 1847 se produit un grand événement dans la vie de ces registres : c’est leur transport à l’Hôtel Soubise et leur installation dans cette imposante galerie où ils se trouvent encore aujourd’hui sous la garde vigilante des Archives nationales (série X).

La galerie du Parlement à l’Hôtel Soubise des Archives nationales

Source : Monique Morgat-Bonnet

Ce monument de la jurisprudence de l’Ancien Régime a attiré l’attention d’un historien du droit et médiéviste, le professeur Pierre-Clément Timbal, de l’université de Paris II, qui a fondé en 1955 le Centre d’Étude d’Histoire Juridique, équipe de recherche destinée à analyser ces archives afin d’établir une histoire des origines du droit et de la justice par l’étude de la pratique juridique de la Cour. Associée au CNRS et aux Archives nationales, elle continue l’exploration de cette source en élaborant des indexations matières, onomastiques et toponymiques intégrées dans des bases de données consultables en ligne sur notre site (ihd.cnrs.fr). Le professeur Jean Hilaire, successeur du professeur Timbal, a poursuivi et terminé récemment l’indexation des Olim qui sont les tout premiers registres du Parlement couvrant la période 1254-1319, du règne de saint Louis à Philippe V. Ce sont des registres de transcriptions des arrêts de la Cour, en latin, édités en 1839, dont l’étude a permis au professeur Hilaire de publier un remarquable ouvrage intitulé La construction de l’État de droit dans les archives judiciaires de la cour de France au XIIIe siècle. L’auteur met en évidence le rôle essentiel joué par la Cour de Parlement auprès du roi pour établir un socle juridique sur lequel va pouvoir s’élaborer un État fondé sur le droit à une époque décisive d’affirmation du pouvoir royal. Cet ouvrage est un apport nouveau et décisif au dossier de la genèse de l’État.

Le CEHJ est aujourd’hui l’une des composantes de l’Institut d’Histoire du Droit, équipe de recherche de Paris II, UMR du CNRS associée aux Archives nationales ; elle est dirigée par le Professeur Olivier Descamps.

Les arrêts, rendus au nom du roi, source de toute justice, nous invitent à appréhender la justice civile et criminelle de l’Ancien régime, ses règles de droit et de procédure, précises, rigoureuses, constitutives au fil du temps de l’armature de la société et de l’État de droit.

Ces archives sont donc une source précieuse pour notre histoire judiciaire, institutionnelle, sociale et politique. Mémoire écrite de la monarchie qui nous plonge dans le passé, exhumant des vies disparues qui nous sont restituées en une multitudes de tableaux animés et bigarrés décrits par les procès, ces parchemins deviennent en fin de compte une source de vie. Ils le deviennent plus encore si l’on s’attache à contempler, au fil des folios, les petits joyaux dont les greffiers se sont plu à parsemer leurs registres et qui compensent l’aridité des recensions purement judiciaires. En effet, du XIVe au XVIe siècle, ils transforment parfois l’initiale qui débute les arrêts en lettre ornée, faisant de cette mémoire une source iconographique encore méconnue. Dans l’exercice de mes fonctions au CEHJ, qui me conduisent à utiliser ces registres, ces images ont attiré mon attention. Après leur repérage, ces lettres ornées ont été photographiées puis intégrées dans une base de données avec un descriptif sommaire. J’ai effectué une sélection d’une quarantaine de clichés qui a donné lieu à une exposition itinérante qui s’est tenue en 2012 à la Bibliothèque de l’université Droit-Gestion de Lille, à la Roche-sur-Yon (ICES), à la médiathèque de Luçon et enfin en 2013 à la Cour de cassation puis aux Archives nationales. Ces clichés sont désormais exposés sur ce site.