Justice(s) en Essonne, du Moyen Âge au XIXe siècle

L’évocation de la justice de ces époques anciennes renvoie inévitablement à l’image d’une justice d’une extrême complexité, offrant une grande confusion entre les pouvoirs, une justice payante rendue davantage au nom des intérêts privés que de l’intérêt général.

À y regarder de plus près, les rituels, les pratiques et le vocabulaire juridique de notre époque montrent qu’il y subsiste beaucoup de cette époque où toute justice émanait du roi : on parle en effet encore du « palais » pour désigner un bâtiment judiciaire avec ses salles d'audience appelées « chambres » (en mémoire de la chambre d'apparat du roi où les juges siégeaient), des « cours » (en mémoire des premières cours royales, composées de conseillers du roi), de l'« audience » (en souvenir de l'époque où le roi donnait lui-même audience à ses sujets qui lui réclamaient justice) ; la mise « sous main de justice » et la « mainlevée » évoquent les décisions que prenait le roi en abaissant le sceptre, la main de justice, ou en la redressant selon les cas. Le « parquet » désignant le ministère public, le « barreau » pour l'ensemble des avocats, les « bâtonniers », « huissiers »… rappellent la configuration des salles d'audience et le rôle des différents acteurs d’un procès.

Enfin, les polémiques fréquentes autour de l’attribution d’affaires à certaines cours ou juridictions spécialisées soulignent l’actualité des débats sur le rôle judiciaire du pouvoir central, et la difficulté d’interprétation des compétences des divers organes judiciaires.

Se plonger dans les fonds d’archives judiciaires de ces périodes lointaines, c’est croiser le juge seigneurial condamnant un manouvrier pour vol dans les vignes seigneuriales de Corbeil, affronter l’ire de deux protagonistes s’accusant d’avoir manqué aux obligations d’un contrat de vente, suivre le chirurgien dans son expertise légale d’un noyé découvert sur les berges de la Juine, ou encore écouter un prêtre narrer la découverte d’un enfant abandonné sur les marches de l’église de Dourdan, par une froide nuit de Noël.

Cette exposition ouvre un panorama, certes non exhaustif, des structures et instruments de la justice du Moyen Âge au XIXe siècle, illustrant comment elle s’est « incarnée » et a évolué. Elle est également l’occasion de rendre hommage au long travail de reclassement menée par les archivistes des Archives départementales dans les fonds de la série B (juridictions d’Ancien Régime), sans lequel certaines pièces à conviction ou documents exceptionnels n’auraient pas été mis au jour, et qui nous permet à présent de re-découvrir ces fonds dans tout leur foisonnement historique et leur richesse documentaire.