Profitant des horaires des marées, les forçats sont conduits enchaînés sur le port de La Rochelle et embarquent en direction de Saint-Martin-de-Ré. Les relégués d'un côté et les transportés de l'autre prennent place sur le pont à l’écart des autres passagers, parfois au milieu des vaches, des cochons et des barriques destinés à approvisionner l’île. Au bout d’une heure et demie de traversée, ils accostent à Saint-Martin-de-Ré où les attendent des militaires et des gendarmes chargés de les accompagner jusqu’à la citadelle.
Ce mode d’acheminement des forçats, qui peut durer de trois semaines à un mois selon le point de départ et le nombre d’arrêts en gare, présente de nombreuses difficultés et des critiques fusent de la part du personnel pénitentiaire en charge de l’exécuter. Tout d’abord, il mobilise énormément d’effectifs, ce qui entraîne des coûts de transport de personnel. Mais le danger provient essentiellement du risque qui pèse sur la maison d’arrêt de La Rochelle, où les forçats doivent passer la nuit. Cette dernière comprend en tout et pour tout dix cellules. En temps normal, une cellule parvient difficilement à contenir cinq hommes couchés. Lors des transports de forçats, il s’y entasse environ quinze. Le surplus est alors placé dans un quartier en sous-sol destiné initialement aux femmes. La peur d’une évasion ou d’une révolte hante le personnel pénitentiaire et l’amène à réclamer la fin du transit par la maison d’arrêt de La Rochelle.
Le 16 septembre 1933, afin de parer au désagrément de ce que le capitaine Pyguillem intitule la « période petits paquets », le directeur de l’administration pénitentiaire inaugure un nouveau mode de transfert des forçats en voitures cellulaires. Ces voitures, entièrement noires et banalisées, ont l’avantage d’être discrètes et plus efficaces que les wagons cellulaires. Plus besoin en effet de transférer les forçats à pied puisque les voitures les conduisent dorénavant directement au port d’embarquement. Chaque voiture est pourvue de neuf places qui sont autant de cellules où le forçat voyage les mains et les pieds enchaînés. Au centre de ces cellules se situe un couloir central où prennent place deux surveillants. Roulant à une vitesse imposée de 35 km/h, les voitures cellulaires ont l’ordre de toutes se rejoindre à 11 kilomètres de La Rochelle, au « Pont d’Usseau ». Là, le convoi converge par un itinéraire à l’écart des artères les plus fréquentées de La Rochelle en direction du port de La Pallice où des navires attendent les forçats pour les acheminer vers Saint-Martin-de-Ré.