3. L’embarquement pour le bagne

Plan du chapitre

Jour du départ

À cinq heures du matin, les forçats sont réveillés et tous sont réunis une heure après dans la cour du dépôt où chacun est fouillé car il est interdit d’emporter du tabac, des briquets ou des pipes pendant la traversée.

Une fois fouillés, les forçats reçoivent tous un sac renfermant leurs effets pour la traversée. Ce trousseau, soigneusement arrêté par un décret ministériel du 6 septembre 1889, est essentiellement constitué d’un uniforme. Il est de trois tailles et se présente sous la forme d'une vareuse et d'un pantalon de molleton, de deux paires de souliers en cuir, de trois chemises en coton, d'une en laine, d'un pantalon et d'une vareuse en toile et de deux paires de chaussettes en laine.

Les gendarmes et les tirailleurs forment un cordon armé de fusils et de baïonnettes qui s’étend depuis la sortie du dépôt jusqu’au port de Saint-Martin-de-Ré. Ces derniers sont présents sur le port dès six heures du matin et tiennent à distance les quelques familles de forçats et les curieux venus assister à l’embarquement. Le directeur du dépôt passe ensuite en revue les forçats et leur annonce que tous relèvent désormais non plus du ministère de l'Intérieur mais de celui des Colonies.

Passage des forçats vers le port de Saint Martin-de-Ré

Ces mesures sont prises afin de décourager les journalistes toujours très nombreux à venir couvrir un convoi. Mais rien n’y fait, la foule est présente en nombre et des journalistes s’affairent comme en témoignent les nombreux reportages, les unes de magazines et les films d’actualités relatant des embarquements de bagnards à Saint-Martin-de-Ré.

Embarquement

Une fois sur le port, les forçats sont comptés et embarquent sur des navires ou à bord de simples canonnières, chalands ou barques. Bien en vue de la vedette de police qui patrouille pendant toute l’opération, cette étape dure une demi-heure environ puis les embarcations quittent toutes le port pour rejoindre le navire convoyeur.

Le navire

Ce n’est qu’en 1900 que la Compagnie Nantaise de Navigation à Vapeur aménage un navire spécialement destiné au transport des forçats, le Loire. Entièrement peint en blanc afin de permettre à ses passagers de supporter le climat équatorial, le Loire, hormis une moyenne de deux voyages annuels à destination du bagne, demeure désarmé à Saint-Nazaire le plus clair de son temps. Le Loire est reconverti en transport de troupes à l’occasion du premier conflit mondial. Touché par une torpille allemande en 1917 dans la baie d’Aboukir, il est définitivement perdu en s’abîmant sur un banc de récifs lors d’un remorquage dans des îles grecques.

A bord

Une fois à bord, les forçats sont dirigés vers leurs bagnes respectifs. Ces bagnes s'apparentent à des sortes de cages à l'intérieur desquelles sont concentrés les condamnés durant tout leur voyage. Les cales du Martinière sont subdivisées en quatre bagnes destinés à contenir 673 forçats. Chaque bagne est divisé en deux compartiments qui ne permettent aucune communication entre eux. Ils se subdivisent ainsi :
Bagne I : un compartiment de 93 places et un compartiment de 92 places.
Bagne II : un compartiment de 78 places et un compartiment de 72 places.
Bagne III : deux compartiments de 110 places chacun.
Bagne IV : deux compartiments de 68 places chacun.
À l’intérieur, les relégués sont séparés des transportés. De même, les relégués individuels sont séparés des relégués collectifs. Passé le phare du Lavardin, les forçats sont tous fouillés, puis ils découvrent l’intérieur de leur bagne où ils demeurent durant toute la traversée qui dure environ quatorze jours (auxquels il faut ajouter cinq à sept jours supplémentaires en cas d’escale à Alger) jusqu’au bagne de Guyane.

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