2. L'empoisonneuse

Plan du chapitre

Une sélection de documents transcrits est proposée à la fin de ce chapitre.

Empoisonner

« Tuer par poison est une action diabolique ». Au cours de l’époque moderne, la figure de l’empoisonneuse succède à la sorcière maniant herbes, onguents et venins démoniaques. Circée, Médée, Hécate, Agrippine : depuis l’Antiquité, l’imaginaire des femmes vénéneuses alimente la construction pénale du crime de poison. Dans la sphère judiciaire, dans les discours médicaux, dans les représentations artistiques ou littéraires, le poison est érigé en arme féminine par excellence. Les traités criminels identifient l’énormité de l’empoisonnement à sa nature occulte et préméditée. Par la trahison qu’il renferme, le crime est jugé plus atroce et punissable que les autres homicides. Bien avant l’anthropologie criminelle du XIXe siècle, la féminisation du poison renvoie à la fragilité physiologique des femmes. Selon les juristes, la ruse et la sournoiserie du poison suppléent la « faiblesse du sexe ». Fondé sur la trahison de la victime intoxiquée à son insu, l’empoisonnement féminin s’oppose en tous points à l’éthique de la violence virile. Les hommes violents font couler le sang, lorsque les empoisonneuses le corrompent en secret. Incarnation du mal au féminin, l’empoisonneuse transgresse l’ordre symbolique de la société patriarcale dont elle sape tous les fondements. Pour autant, les archives judiciaires livrent le plus souvent le portrait de femmes ordinaires – elles sont domestiques, chapelières, cabaretières, etc. –, accusées de crimes extraordinaires.

Les empoisonneuses jugées au parlement de Paris (1599-1766)

Dans les tribunaux médiévaux, les accusées d’empoisonnement sont minoritaires. Si le crime de poison n’est pas l’apanage exclusif des femmes, son caractère féminin s’accentue dans les pratiques judiciaires aux XVIe - XVIIe siècles. Dans les juridictions d’Europe, 50 à 75% des procès pour poison incriminent des servantes, des mères ou des épouses agissant dans la maisonnée. La haine, l’intérêt, l’adultère, les mauvais traitements motivent le crime atroce selon les juges. Inscrit dans les savoir-faire féminins qu’il transgresse, l’empoisonnement alimentaire domine. L’arsenic ou « mort aux rats » est mêlé aux vin, bouillon, œufs, pain, pâté et confitures. Les procès circonstancient cette cuisine du mal qui trahit les fonctions nourricières assignées aux femmes dans l’ancienne société.

Figures d'empoisonneuses

La dimension du crime d’État imprègne la célèbre affaire des poisons, qui défraie la chronique judiciaire du royaume dans les années 1670-1680. Dès 1672, s’ouvre le procès criminel intenté à la marquise de Brinvilliers. Accusée d’avoir empoisonné son père, ses frères et sa sœur, elle est décapitée en place de Grève au mois de juillet 1676. D’abord circonscrite à la sphère familiale, l’accusation révèle l’existence d’un vaste réseau impliquant des femmes de la haute noblesse et menaçant peut-être la vie du roi. L’affaire se solde par 442 accusations, 36 condamnations à mort, dont celle d’une autre femme, La Voisin, brûlée le 22 février 1680.

Au siècle des Lumières, l’empoisonneuse est aussi une figure de l’innocence bafouée. La critique du système probatoire est au cœur de l’affaire Marie-Françoise-Victoire Salmon, injustement accusée d’empoisonnement domestique, condamnée à mort en 1781 avant d’être innocentée en 1786. Au XIXe siècle, malgré les progrès de la médecine légale et l’essor des examens toxicologiques, les stéréotypes associés au poison féminin demeurent. Passible de la peine de mort dans les codes pénaux de 1791 et de 1810, l’empoisonnement reste le crime des femmes rebelles à la domination masculine. Dans la France du Code pénal, la moitié des accusés d’empoisonnement sont des femmes, parmi lesquelles des « personnalités » telles Marie Lafarge (1816-1852), Hélène Jégado (1803-1852), Marie Besnard (1896-1980) ou Violette Nozière (1915-1966). La représentation de la femme criminelle en figure d'empoisonneuse est reprise par la presse de fait divers qui l'inscrit dans une histoire de longue durée, tel un stéréotype : le poison est une arme de femme.

L’affaire Violette Nozière (1933)

Le 24 août 1933, on découvre les parents de Violette Nozière à l’agonie dans leur petit appartement parisien, le gaz grand ouvert. Il s’agit d’un double suicide, explique leur fille. Le père meurt mais la mère survit et accuse sa fille. L’enquête révèle que Violette a fait avaler à ses parents une forte dose de Véronal en poudre, sous prétexte de les soigner. On découvre également que la jeune fille de 19 ans mène une double vie, passant ses journées avec une jeunesse étudiante et bohème, accumulant les amants, et, sans doute, des “ clients ”, dépensant beaucoup d’argent. Lors des interrogatoires et à l’audience, elle évoque des relations incestueuses avec son père. Condamnée à mort, elle voit sa peine commuée en travaux forcés à perpétuité. Libérée en 1945, elle est réhabilitée en 1963.

Sélection de documents transcrits

Procès verbal de question d’Isabel Robin (parlement de Paris), 7 juillet 1599

Int. s’il n’a eu affaire avec elle et couché avec elle Baron Mauderin [= l’amant et le complice].

A dit “ ouy, ouy, ouy ! je vous diray tout ! laschez la corde ! ”.

A esté retiré le tréteau.

A dit “ veuillez me relascher, Monsieur, mon amy, ce a esté luy qui a tué mon mary. Reslachez-moy, je vous diray tout ce qu’il faut dire ”.

Int. si Mauderin n’a couché avec elle.

A dit que ouy, rien que deux fois depuis que fut revenue de Bretagne.

" Interrogée si Baron Mauderin [son amant et complice] n’a pas eu affaire avec elle et couché avec.

A dit “ oui, oui, oui ! je vous dirai tout ! lâchez la corde ! ”.

La tréteau a été retiré.

A dit “ veuillez me relâcher ! Monsieur, mon ami, c’est lui qui a tué mon mari. Relâchez-moy, je vous dirai tout ce qu’il faut dire ”.

Interrogée si Mauderin n’a pas couché avec elle.

A dit que oui, rien que deux fois […]. "

Procès-verbal d’exécution de Simone Pineaut (parlement de Paris), 22 novembre 1605

Elle est accusée d’avoir empoisonné son mari. Au début de cet ultime interrogatoire, il lui est fait lecture de son arrêt de mort : elle sera pendue et étranglée en place de Grève.

 

qu’il l’avoit tousjours poursuivie et donné conseil d’achepter le poison, luy disant qu’il l’emmeneroit avec luy.

" qu’il [= L’amant et le complice] l’avait toujours poursuivie et donné conseil d’acheter le poison, qu’il lui disait qu’il l’emmenerait avec lui. "

Interrogatoire de Marguerite Girart (plumitif d’audience du parlement de Paris), 17 août 1643

Sy quand son mary luy disoit “ allons coucher ”, elle luy disoit “ j’aimeroy aultant aller coucher avecque nos chevaux ” ; et que n’estoit qu’un ivrogne.

A dit que non.

" Si, quand son mari lui disait “ allons nous coucher ”, elle ne lui disait pas : “ j’aimerais autant aller coucher avec nos chevaux ” ; et qu’il n’était qu’un ivrogne.

A dit que non. "

Procès-verbal de question de Marie Jensson (parlement de Paris), 1er mars 1662

Int. si elle vivoit bien avec son mari.

A dit que oui […] quand ils ont eu quelques dispute, une demi-heure après, on n’y pensoit plus.

" Interrogée si elle vivait bien avec son mari.

A dit que oui […] ; que quand ils avaient eu quelques dispute, une demi-heure après, on n’y pensait plus. "

Interrogatoire de Louise Prieux (plumitif d’audience du parlement de Paris), 25 mai 1677

Int. sy elle avoit pas souvent querelle avec son mary qui la battoit souvent.

A dit que ce n’est le premier mary qui a battu sa femme.

" Interrogée si elle n’avait pas souvent querelle avec son mari, qui la battait souvent.

A dit que ce n’est pas le premier mari qui a battu sa femme. "

Procès-verbal de question et d’exécution d’Urbaine Attibare (parlement de Paris), 26 septembre 1691

Int. s’il n’est pas vray qu’elle vivoit mal avec son mary et qu’elle le maltraitoit.

A dict qu’il est vray que quelques tesmoings ont dit qu’elle luy estoit vilaine de parolles mais que cela n’est pas véritable.

" Interrogé s’il n’est pas vrai qu’elle vivait mal avec son mari et qu’elle le maltraitait.

A dit qu’il est vrai que quelques témoins ont dit qu’elle lui était vilaine en paroles mais que cela n’est pas véritable. "

Interrogatoire de Jacqueline Jarry (parlement de Paris), 14 mars 1729

Int. si lorsque ledit Cheureau estoit yvre, elle ne s’est pas emporté à luy faire plusieurs menaces comme de l’empoisonner.

A dit que non, qu’elle luy a seulement dit “ damné yvrogne, vieux buveur, c’est grand dommage que l’on aille à veauxleau, vieux mange bien, vieux [?] ”

" Interrogée si lorsque Cheureau [= le mari] était ivre, elle ne s’est pas emportée à lui faire plusieurs menaces, comme de l’empoisonner.

A dit que non, qu’elle lui a seulement dit “ damné ivrogne, vieux buveur, c’est grand dommage que tout aille à veauxleau, vieux mange-bien, vieux [?] ” "

Interrogatoire d’Anthoinette Houel, 36 ans (plumitif d’audience du parlement de Paris), 3 avril 1628

En tête de l’interrogatoire, figure la croix, symbole de la condamnation à mort. La sentence est confirmée pour Anthoinette Houel, âgée de 36 ans, qui n’est pas mariée mais a eu 3 enfants, dont deux sont vivants (7 et 8 ans). Elle est accusée d’avoir empoisonné une petite fille de 5 mois, morte chez sa nourrice. Un apothicaire, nommé Mathieu Colinet, est également interrogé, soupçonné d’avoir fourni le poison. Il se défend en disant qu’il n’a donné que des remèdes et « aucune drogue pour faire mourir un enfant », et qu’Anthoinette Houel n’est qu’une « putain ». Il est condamné à faire amende honorable, avec défense d’exercer le métier d’apothicaire.

 

R. qu’elle luy a baillé du poison.

A dit qu’elle luy a seulement baillé de l’eau sucrée.

R. qu’il avoit la bouche toute bruslée et le poulmon.

A dit qu’elle ne scait dont est provenu ce mal.

R. qu’elle a dict au procureur/procès que Colinet luy avoit baillé du poison pour deux sols, ainsy qu’elle luy avoit demandé.

A dit que non et qu’elle ne luy a baillé que de l’eau sucrée ; et que Colinet ne luy a baillé du poison mais bien de l’eau pour la rage de dentz.

" Remontré qu’elle lui a donné du poison.

A dit qu’elle lui a seulement donné de l’eau sucrée.

Remontré qu’il avait la bouche toute brûlée, ainsi que le poumon.

A dit qu’elle ne sait d’où est provenu ce mal.

Remontré qu’elle a dit, à son procès, que Colinet lui avait donné du poison pour deux sous, ainsi qu’elle le lui avait demandé.

A dit que non et qu’elle ne lui a donné que de l’eau sucrée ; et que Colinet ne lui a pas donné du poison mais bien de l’eau pour la rage de dents. "

 

Interrogatoire de Marguerite Eschau (plumitif d’audience du parlement de Paris), 9 décembre 1648

R. qu’elle a fait mourir ses père et sœur.

A dit que non et que le vif-argent qu’elle a achepté a esté pour la guérir des galles […]

" Remontré qu’elle a fait mourir ses père et sœur.

A dit que non et que le vif-argent qu’elle a acheté, c’était pour la guérir des galles […] "

Interrogatoire de Catherine Pilley (plumitif d’audience du parlement de Paris), 10 février 1652

Sy elle a pas jetté de l’arseny dans de la purée.

A dit qu’un soldat nommé Bernier luy donna de la pouldre que luy disoit estre propre pour faire rire ; qu’elle en myt dans le pot innocemment

" Si elle n’a pas jeté de l’arsenic dans de la purée.

A dit qu’un soldat nommé Bernier lui donna de la poudre, qu’il lui disait être estre bonne pour faire rire ; qu’elle en mit dans le pot innocemment "

Interrogatoire de Louise Prieux, 24 ans (parlement de Paris), 13 décembre 1676

Int. à quel dessein elle alloit chez ledit Varnier.

A dit qu’elle y alloit à dessein d’achepter de l’arsenic pour mettre dans leur cave où il y avoit des ratz et des fourmis.

" Interrogée à quel dessein elle allait chez Vannier [= l’apoticaire].

A dit qu’elle y alloit à dessein d’acheter de l’arsenic pour mettre dans leur cave où il y avait des rats et des fourmis "

 

Interrogatoire de Médarde Léger, 14 ans (plumitif d’audience du parlement de Paris), 21 octobre 1682

le curé luy a conseillé aussy 4 ou 5 fois de donner un petit morceau de mort aux ratz à son mary dans un bouillon et qu’il ne la battroit plus.

" le curé lui a conseillé aussi 4 ou 5 fois de donner un petit morceau de mort aux rat à son mari dans un bouillon ; et qu’il ne la battrait plus. "

 

Interrogatoire d’Anthoinette Charlier, 38 ans (plumitif d’audience du parlement de Paris), 21 janvier 1683

L’acte porte le symbole de la condamnation à mort. Cette sentence est confirmée. Anthoinette Charlier aura le poing coupé, son cadavre sera brûlé. Au cours de son dernier interrogatoire, elle dit avoir eu de bons rapports avec son mari qu’elle est accusée d’avoir empoisonné. Elle dit qu’ils couchaient toujours ensemble mais qu’il était souvent malade. Elle lui a fait manger de la soupe aux choux et un flan de prunes que ses enfants ont aussi mangés. Interrogée sur ses amis, elle répond qu’elle n’a pas d’amis. Elle est questionnée sur un éventuel complice, nommé Desain.

 

A dit qu’elle a eu de l’arsenic pour les bestiaux ; qu’elle en faisoit achepter ; que c’estoit le berger qui s’en servait.

Int. si elle n’en a point eu.

A dit que ouy ; qu’elle s’en est servi pour faire mourir des rats.

" A dit qu’elle a eu de l’arsenic pour les bestiaux ; qu’elle en faisait acheter ; que c’était le berger qui s’en servait.

Interrogée si elle n’en a point eu.

A dit que oui ; qu’elle s’en est servi pour faire mourir des rats. "

 

Procès-verbal de question de Magdeleine Bagault, 45 ans (parlement de Paris), 13 mai 1766

Âgée de 45 ans, Magdeleine Bagault est la femme d’un fermier des fours banaux de Saint-Amand. Elle est accusée d’avoir comploté avec son mari pour empoisonner une veuve, sa famille et d’autres personnes en ayant versé de l’arsenic et de la ciguë dans des pots de ragoût et des pâtés que les gens venaient faire cuire au four de son mari. Condamnée à subir la question, elle endure le supplice des « coings » [brodequins] parce que les médecin et chirurgien présents ont considéré qu’elle ne supporterait pas « l’extension » de la question ordinaire : avoir ses membres tirés par des cordes pour subir le versement de plusieurs litres d’eau dans la bouche. Les questions sont très précises mais presque toutes les réponses se résument par la mention : « a dit que non ».

 

À elle remontré qu’elle ne dit pas vérité et qu’elle avait toujours de l’arsenic chez elle à dessein d’empoisonner différentes personnes.

A dit qu’elle n’avoit point d’arsenic, qu’on a trouvé un paquet de bois vermoulu dont elle se servoit pour ses enfants, qu’il faut qu’on ait pris ce paquet pour de l’arsenic.

" À elle remontré qu’elle ne dit pas vérité et qu’elle avait toujours de l’arsenic chez elle à dessein d’empoisonner différentes personnes.

A dit qu’elle n’avait point d’arsenic, qu’on a trouvé un paquet de bois vermoulu dont elle se servait pour ses enfants, qu’il faut qu’on ait pris ce paquet pour de l’arsenic. "

Interrogatoire d’Edmée Billon, 24 ans (parlement de Paris), 26 juillet 1649

Âgée de 24 ans, Edmée Billon est veuve d’un magistrat. Son père Bernard Billon s’est remarié avec Magdeleine Leblanc il y a 4 ou 5 ans. Edmée n’assista pas au mariage, étant malade, mais dit avoir continué à fréquenter son père par la suite. Elle avoue en revanche voir peu sa bellemère qui ne l’aime pas. Accusée d’avoir empoisonné la petite Magdelon, âgée de 3 ans, fille de sa belle-mère, elle rétorque qu’elle aime beaucoup cet enfant. Elle nie avoir déclaré à des gens que la petite la privait de la moitié de son héritage… La petite Magdelon et sa nourrice tombent malade. La nourrice meurt après plusieurs vomissements et convulsions. Edmée nie avoir mis de l’arsenic dans les plats, nie également avoir envoyé un homme acheter de l’arsenic chez un apothicaire. Elle avoue avoir fuit craignant d’être poursuivie pour empoisonnement et raconte son périple à Auxerre. Soupçonnée d’avoir couché avec un certain Goureau [un complice?], elle reconnaît l’avoir vu quelques fois quand elle allait dans la maison où était placée en nourrice sa demi-soeur Magdelon.

 

s’approcha la respondante du feu et dit en ses mots à sadite petite sœur : “ Magdelon, veux-tu pas gouster ? ” […]

prit sadite petite sœur par la main, luy disant qu’elle luy alloit chercher des confitures ou des fruits ; et n’ayant trouvé que des poires dans l’armoire, en bailla une à sadite sœur et referma l’armoire

" elle s’approcha du feu et dit en ses mots à sa petite sœur : “ Magdelon, veux-tu pas goûter ? ” […]

elle prit sa petite sœur par la main, lui disant qu’elle allait lui chercher des confitures ou des fruits ; et n’ayant trouvé que des poires dans l’armoire, en donna une à sa sœur et referma l’armoire "

Procès-verbal d’exécution de Michelle Pépin (parlement de Paris), 11 mars 1655

elle a pris les harents et la pouldre et qu’elle est allée en la maison de ladite Bonarme ; qu’elle scait bien qu’il fault qu’elle meure et que sy elle eut sceu qu’il y eut du poison, elle n’y seroit point aller.

" elle a pris les harengs et la poudre et elle est allée en la maison de ladite Bonarme ; qu’elle sait bien qu’il faut qu’elle meure et que si elle eût su qu’il y et du poison, elle n’y serait point aller. "

Procès-verbal de question de Renée Boucher (parlement de Paris), 23 septembre 1660

Int. si elle n’a pas empoisonné sa belle-fille et luy a donné de la fromentée où elle avoit mis de la pouldre d’arsenic.

A dit qu’elle luy a donné de la fromentée mais n’y a rien mis.

" Interrogée si elle n’a pas empoisonné sa belle-fille et lui a donné de la fromentée où elle avait mis de la poudre d’arsenic.

A dit qu’elle lui a donné de la fromentée mais n’y a rien mis. "

Interrogatoire de Barbe Courtois, 54 ans (parlement de Paris), 10 octobre 1719

Accusée d’avoir empoisonné Catherine, la femme de son oncle, Barbe Courtois est longuement interrogée sur les rapports qu’elle avait avec celle qui lui enlevait une part de l’héritage de son oncle. À l’issue de l’interrogatoire, elle subit la question ordinaire et extraordinaire. Elle répond « non » à toutes les questions.

 

Int. s’il n’est pas vray qu’elle a dit que si ladite Grandsimon se marioit à son oncle, elle la feroit mourir et qu’il n’y avoit qu’à luy donner une bonne souppe.

A dit que non. […]

Int. si elle n’a pas dit qu’elle avoit eu querelle avec elle et qu’elle répondante luy avoit donné un coup d’écuelle sur la teste dont il avoit coulé du sang.

A dit qu’ouy.

" Interrogée s’il n’est pas vrai qu’elle a dit que si ladite Grandsimon se mariait à son oncle, elle la ferait mourir et qu’il n’y avait qu’à lui donner une bonne soupe.

A dit que non.

Interrogée si elle n’a pas dit qu’elle avait eu querelle avec elle et qu’elle lui avait donné un coup d’écuelle sur la tête, dont il avoit coulé du sang.

A dit que oui. "

 

Interrogatoire de la marquise de Brinvilliers (plumitif d’audience du parlement de Paris), 15 juillet 1676

Int. si elle n’a pas recognu par ses escrits qu’elle s’estoit empoisonnée.

A dit qu’elle ne scavoit ce qu’elle faisoit et quant à ses lettres, elle avoit tellement l’esprit embarassé qu’elle ne scavoit ce qu’elle faisoit.

Int. pourquoy elle remercia Sainte-Croix qu’elle avoit pris de la drogue qu’il luy avoit donnée si souvent.

A dit qu’elle ne scavoit ce qu’elle faisoit et que c’estoit une bagatelle et que l’on voit qu’elle se porte bien.

" Interrogée si elle n’a pas reconnu par ses écrits qu’elle s’était empoisonnée.

A dit qu’elle ne savait ce qu’elle faisait et, quant à ses lettres, elle avait tellement l’esprit embarassé qu’elle ne savait ce qu’elle faisait.

Interrogée pourquoi elle remercia Sainte-Croix [amant et complice] qu’elle avait pris de la drogue qu’il lui avait donnée si souvent.

A dit qu’elle ne savait ce qu’elle faisait et que c’était une bagatelle et que l’on voit qu’elle se porte bien. "

Procès-verbal d’interrogatoire et de confrontation de Violette Nozières, Paris, 9 septembre 1933

C’est moi qui avais mis un rideau contre la porte d’entrée de l’appartement et à l’intérieur. J’ai fait cela le lundi soir avant de partir. Si j’ai agi ainsi c’est pour qu’on n’entendît pas mes parents s’ils se plaignaient.

" I’m the one who hung a curtain over the front door of the apartment and another on the inside. I did that on Monday evening before I left. The reason I did it was so that people wouldn’t hear my parents if they cried out.

C’est quand j’avais 12 ans et en l’absence de ma mère partie pour le marché ou pour faire des courses, que mon père m’a d’abord fait des attouchements avec le doigt. A ce moment je ne savais presque rien de la vie. Il m’a prise pour la 1ère fois un matin, alors que j’étais allée à son lit pour lui dire bonjour. "

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