1. La série initiale

Plan du chapitre

L'épopée Fantômas

Fantômas surgit comme un des monuments les plus formidables de la poésie spontanée. Le texte est ici digne de l’illustration. Toute la période qui précéda la guerre y est décrite avec une précision qui concourt précisément au phénomène lyrique. Intrigues internationales, vie des petites gens, aspect des capitales et particulièrement de Paris, mœurs mondaines telles qu’elles sont, c'est-à-dire telles que les imagine le peuple, mœurs bourgeoises, mœurs policières et présence pour la première fois du merveilleux propre au XXe siècle, utilisation naturelle des machines et récentes inventions, mystère des choses, des hommes et du destin.

Les trente-deux volumes de cette épopée moderne possèdent chacun une couverture représentant l’une des scènes du roman. Chose étrange ce n’est pas toujours la scène la plus marquante qui est utilisée mais c’est toujours la plus curieuse.

La couverture du premier volume représentant Fantômas lui-même, en chapeau haut de forme, cape et masque, se dressant gigantesque et posant le pied sur Paris, prit une importance énorme dans la mythologie et l’onirologie parisiennes. L’élégance du héros, le poignard sanglant qu’il tient à la main bouleversèrent les idées reçues et détruisirent l’idée de l’escarpe miteux, lamentable et vêtu de haillons qui avait lui-même remplacé un autre gentleman : Rocambole.

Et chaque mois paraissait un nouveau volume : un monde de religieuses s’affrontant revolver au poing, dans un entrepôt de bateaux, en présence d’un cercueil vide, de rois emprisonnés dans les sirènes des fontaines de la Place de la Concorde, de mains coupées sur le tapis de la roulette de Monte-Carlo, de fiacre conduit par un cocher mort, d’assassin vidant dans la Seine le contenu macabre d’un carton à chapeau, une tête exsangue de femme respirant des roses noires au parfum empoisonné.

Tous les éléments de la magie et de la prophétie se trouvaient projetés dans l’imagination universelle.

Robert Desnos. Extrait de l’article : Imagerie moderne, paru en 1929 dans le n°7 de la revue Documents.

 

Robert Desnos n’a cessé de célébrer Fantômas, ce « chef d’œuvre épique, cette équipée mondiale dont Paris est le centre, et qui est peut-être l’aboutissement et l’apothéose d’un siècle de poésie et d’imagination » C’est ainsi qu’il l’évoque dans La rue de la Gaité, œuvre publiée à titre posthume en 1947.

La Complainte de Fantômas est reprise en 1951 au cabaret de La Rose rouge dans une  réalisation d’Yves Robert.

Lisez Pierre Souvestre et Marcel Allain, en qui je salue les auteurs sans littérature et sans chiqué d’une œuvre à laquelle nous nous référerons le soir sanglant des barricades.

Robert Desnos in La vie moderne

Apollinaire est sans doute le premier à percevoir l’immense virtualité littéraire du cycle Fantômas. Dès 1914, il célèbre « cet extraordinaire roman, plein de vie et d’imagination, écrit n’importe comment, mais avec beaucoup de pittoresque », avant d’ajouter : «  Fantômas est au point de vue imaginatif une des œuvres les plus riches qui existent »

Fantômas ! Il y a si longtemps !... C’était avant la guerre. Mais les péripéties de cette épopée moderne sont encore présentes à nos mémoires. A chaque coin de Paris, nous retrouvions un épisode de cette œuvre formidable et, sur le fond de nos rêves, nous revoyions le coin de Seine où, sur un ciel rouge, explose une péniche, à côté d’un journal relatant en manchette les derniers exploits de la bande à Bonnot.

Robert Desnos, Le Soir, 26 février 1927

Je suis celui que le monde entier recherche, que nul n’a jamais vu, que nul ne peut reconnaître ! Je suis le Crime ! Je suis la Nuit ! Je n’ai pas de visage, pour personne, parce que la nuit, parce que le crime n’ont point de visage !... Je suis la puissance illimitée ; je suis celui qui se raille de tous les pouvoirs, de toutes les forces, de tous les efforts ! Je suis le maître de tous, de tout, de l’heure, du temps ! Je suis la Mort !

Fantômas, L’Agent secret, Fayard, 1911

L’homme était vêtu des pieds à la tête d’un extraordinaire costume. Son corps était moulé dans un maillot de laine noire dont le col remontait jusqu’à son visage qui disparaissait entièrement sous une cagoule, une cagoule noire. Ah ! certes, le personnage était légendaire, la silhouette était fameuse, silhouette de nuit, silhouette de meurtre ; si le maillot noir eût pu faire croire à un ordinaire rat d’hôtel, la cagoule, de forme bien particulière, ne pouvait permettre l’hésitation, l’individu qui se trouvait dans la chambre de Guillaume, c’était Fantômas, c’était le terrifiant bandit, c’était le Maître de l’Epouvante !...

Fantômas, La Disparition de Fandor, 1912