De 1877 à 1942, plusieurs régiments d’infanterie ont occupés la caserne Chanzy, à Bergerac. Le 30 novembre 1942, les Allemands prennent possession des lieux. Ils désarment et démobilisent les soldats du 26e RI et y installent leur propre garnison. Le 21 août 1944, avant de quitter précipitamment la caserne, puis la ville, ils tentent d’y mettre le feu. Après cette date, les quelques Allemands faits prisonniers par les FFI sont entassés dans les cinq cellules disciplinaires de la caserne Chanzy.
Les murs de l’aile droite de la caserne (aujourd’hui démolie) portaient les traces de fresques et de maximes patriotiques évoquant le 108e RI ainsi que des fresques allégoriques de la période vichyste. Sur l’un des panneaux étaient regroupés les thèmes classiques véhiculés par la propagande. L’élément central de la composition est un chêne puissant, au tronc épais, autour duquel s’articulent différents symboles : dans la ramure, à gauche, l’écu à la francisque entouré de lauriers ; à droite, la France industrielle évoquée par des usines dont les cheminées fument. À gauche, un paysan laboure, préparant la récolte future tandis que la précédente est évoquée par d’énormes meules – une imagerie symbolique de la France rurale de Vichy qui prônait les vertus de la terre. Enfin, à la base, une colonne de soldats est en marche, illustrant la renaissance de l’armée nouvelle. Suivant une didactique simple, le renouveau du pays est assuré par le respect des valeurs du travail et de la patrie.
Les cellules disciplinaires de la caserne Chanzy jouxtent le poste de garde. Elles sont étroites et peu profondes : 1,20 m de large sur 3 m de long et 3 m de haut environ. En façade, au-dessus de la porte d’entrée, une ouverture fermée par de simples barreaux laisse passer l’air et la lumière. Le plafond voûté et les murs, façon casemate, sont blanchis à la chaux. À l’époque où stationnaient le 108e puis le 26e régiment d’infanterie, il s’agissait de simples cellules dans lesquelles les militaires subissaient les arrêts de rigueur. Sous l’Occupation, des résistants ont été emprisonnés dans ces cachots humides ainsi que des soldats allemands et cosaques, par mesure disciplinaire. À la Libération, quelques « collaborateurs » les ont occupés à leur tour.
Parmi les graffitis les plus singuliers, on relève le dessin d’une ferme reconstituée, dont tous les éléments sont légendés. La scène semble se passer en Alsace (on peut apercevoir une cigogne sur le toit d’une grange), dessinée par un prisonnier chez lequel on devine, à l’évocation de ses racines paysannes et de sa région natale, une certaine nostalgie. Des verres et une bouteille de Monbazillac, cru 1929… Le millésime interroge : s’agit-il de la date de naissance d’un jeune prisonnier âgé de 15 ans (il y en a eu), ou bien le souvenir marquant de jours heureux ?… La grille d’un jeu de bataille navale, parce que les journées sont longues… il faut bien tuer le temps ! Une scène de sodomie. Quelques portraits d’officiers russes, de face ou de profil, se retrouvent ça et là, entourés de messages sibyllins. On assiste à une exécution… Plusieurs dessins de chars sont probablement l’œuvre de civils conduits ici le 21 juin 1944, après l’incendie de leur village par les Allemands de la 11e Panzer Division.
En dessinant sur les murs, les prisonniers de la caserne Chanzy ont voulu témoigner de leur captivité, laisser une trace, ou tout simplement tuer le temps. Les messages crayonnés sont assez pauvres en terme de contenu. Peu de noms, pas d’indication sur l’origine de leurs auteurs (lieu de résidence, unité d’appartenance), aucun message témoignant d’un engagement politique ou bien exprimant une forme ou une autre de résistance… Des dessins, souvent enfantins, plus ou moins bien griffonnés au crayon noir, s’étalent sur les murs. D’autres inscriptions révèlent l’impatience de leurs auteurs. L'un d’eux clame son innocence : « Auger Claude a été fermé dans cette cellule innocemment, oui !!! »
Actuellement en friches et laissées à l’abandon, les cellules disciplinaires de la caserne Chanzy sont vouées à une destruction prochaine, au profit du futur lycée des métiers, en cours de construction…